Rachid Laras est le président de la fédération algérienne de judo. Pour son premier mandat à la tête du judo national, l’ancien judoka de niveau international dresse un bilan de la participation des athlètes algériens au Grand Slam de Paris et un état des lieux de son sport.

Sonia Asselah a brillamment terminé cinquième du tournoi de Paris.Qu’est ce qui lui a manqué pour aller chercher cette médaille de bronze?

On s’est réunis avec le DTN et les entraineurs nationaux pour en discuter. Elle a en la capacité mais il faut faire des stages bloqués à l’étranger. C’est ce que font nos voisins. Il nous manque les moyens pour le faire. Il faut mettre le paquet sur les compétitions internationales.

La belle performance de Sonia sauve -t-elle le tournoi de la délégation algérienne?

Rachid Laras : Il n’y a pas que Sonia qui a réussi. Le jeune Rebahi Boubekeur, qui est junior, a aussi fait un bon tournoi en allant au troisième tour. Il a confirmé cette année au championnat national.Je tire mon chapeau à son entraineur, Amar Benikhlef,  qui l’a engagé sur ce tournoi.Il ne nous a pas surpris car c’est un jeune qui a de l’avenir. Il est perfectible.Le Grand Chelem de Paris, c’est l’équivalent d’un championnat du monde.On voit la participation des champions olympiques et du monde.Certains se sont même fait éliminer au 2è ou 3è tour. Notre sélection manque de participations aux différents tournois de haut niveau. Cela joue sur les performances. Pour acquérir une certaine expérience, on est obligés d’être dans ces compétitions.

Sur 10 judokas, filles et garçons confondus, seuls deux ont pu passer le second tour. N’est ce pas décevant ?

Non car pour bien se préparer il faut de gros moyens. Cette compétition de Paris était très relevée. Nous n’avons fait qu’une seule préparation en Algérie. On n’a pas participé aux tournois intermédiaires.On a fait des stages en interne en Algérie. Entre eux, ils se connaissent mais pour bien figurer il faut aller à l’international. Il ne faut pas oublier que de nouveaux judokas nous ont rejoints. On est en train de booster des jeunes qui sont la relève de la sélection nationale.  

Ne pensez vous pas vous êtes trompé sur certains athlètes?

On ne s’est pas trompé. Les entraineurs nationaux ont fait une sélection. Ils ont pris les meilleurs qui existent au pays. 

En venant à Paris, quels étaient les objectifs?

Les objectifs étaient de passer au mieux deux à trois tours. On sait que nos athlètes ne peuvent pas accéder au delà. Il faut dire la vérité et être réaliste. Ils se sont préparés selon les moyens que l’on a. 

Comment expliquez vous que l’Egypte et la Tunisie soient plus performantes que l’Algérie?

J’ai discuté avec le responsable de l’Egypte. Ils sont tout le temps en stage au Japon.Ils participent à tous les tournois, aux stages de préparation. C’est en travaillant qu’on peut obtenir des résultats et des performances. 

Que faut il faire pour que le pays rivalise avec les meilleurs en Afrique?

Nous n’avons même pas un dojo qui soit propre à la fédération. 

C’est un problème d’infrastructures?

C’est grâce aux moyens qu’on peut travailler, prendre en charge les judokas. C’est un encouragement. Une discipline olympique, il faut lui octroyer des ressources pour qu’elle puisse s’ épanouir.

Votre fédération n’a pas de sponsor non plus, n’est ce pas?

Ces derniers temps, c’est difficile d’en avoir un. Il faut qu’il y ait une décision politique qui donne des instructions en matière de sponsoring. J’ai sollicité pas mal d’entreprises. Les responsables pensent que le judo n’est pas un sport spectaculaire. Ils ne choisissent que le football. 

Pourtant le judo algérien a su performer dans le passé.

J’ai un ami qui a une grande société internationale. Je l’ai contacté dernièrement. Il m’a répondu que les salles de judo n’étaient pas remplies alors que dans les stades de football la publicité qu’il mettait était télévisée et que tout le monde la voyait sur place. On a eu quelques sponsors qui voulaient nous donner en échange des produits comme des jus. Ce n’est pas de cela dont j’ai besoin. Je leur ai proposé de prendre au moins en charge les athlètes. 

Comment voyez vous l’avenir du judo en Algérie?

L’Algérien est bagarreur de nature.Il ne faut pas désespérer car en lui donnant des moyens et en le formant, on a une relève prometteuse pour l’avenir. On a eu l’an passé, sur la catégorie junior, six médailles d’or sur sept en championnat d’Afrique.

Ne craignez vous pas que les jeunes talents aillent concourir pour des pays comme le Qatar?

Les gens qui les ont pris l’ont fait pour leur intérêt. 

Dans un an, il y a de nouvelles élections à la fédération. Comptez vous vous représenter? Quel serait le projet que vous porteriez?

Ce mandat 2017-20 est une première expérience pour moi. Je découvre pas mal de choses. Même si ce n’est pas moi, on sera là pour aider le judo national. Je ne suis pas un homme de mandat. J’en ai fait 3 à la ligue d’Alger et à chaque fois, je ne pensais pas le renouveler. Idem pour la fédération sauf si mes pairs veulent qu’on renouvelle. Je ne dirais pas non.

Il y a un nouveau ministre des sports. Si des moyens sont alloués, cela peut il vous inciter à vous représenter?

Dans une institution pareille, il faut une stratégie. Quand les moyens manquent, il est impossible de planifier quoi que ce soit. On a établi des feuilles de route qui n’ont été respectées qu’à 20%. Depuis 2017, on n’a pas fait une seule réunion bilatérale avec le ministère pour discuter de notre projet et du plan de bataille. Nous sommes au mois de février et nous ne connaissons pas la subvention qui nous a été octroyée. En tant que Président, je l’ignore. On travaille dans un couloir sombre.Ce n’est pas facile de gérer la situation.

Entretien réalisé par Nasser Mabrouk