Dans cette seconde partie, Julien Mette nous détaille le footballeur djiboutien et les principes de jeu qu’il tente de lui inculquer. Il évoque par ailleurs le groupe des qualificatifs pour la Coupe du monde 2022 au Qatar et les chances des Requins de la Mer Rouge face à l’Algérie.

Pouvez vous vous appuyer sur une diaspora de footballeurs ?

La diaspora n’est pas énorme.Il y en a en France, en Belgique, aux Pays Bas, en Norvège et Suède et en Amérique du Nord. J’en vu quelques joueurs mais je n’ai pas encore eu le temps de prospecter.Il n’y a pas de cellule à la fédération pour répertorier les joueurs expatriés qui ne sont pas forcément professionnels. C’est aussi un axe d’amélioration que de les repérer.

Le joueur djiboutien n’est pas trop connu en Algérie. Pouvez vous nous dire quelles sont ses qualités? 

Le Djiboutien a une bonne relation avec le ballon. Ce sont des footballeurs instinctifs. J’ai énormément de dribbleurs et beaucoup de milieux axiaux.J’ai d’ailleurs dû développer un système de jeu qui en déporte certains ou en fait reculer d’autres. Sur les 10 joueurs de champs, j’avais 7 axiaux.

Que doivent ils travailler pour progresser?

Le mental est faible. En championnat quand une équipe est en difficulté, les joueurs plongent parce qu’il n ‘y a pas de résilience, ni d’esprit de compétition. J’ai beaucoup fait de la vidéo, de la pédagogie pour leur redonner confiance et les convaincre qu’on pouvait surmonter l’adversité. Contre l’Ethiopie, nous étions menés 3 à 1. Nous sommes revenus à 3 partout. Cela n’était jamais arrivé. Il y aussi des carences liées à l’aspect athlétique car ils n’ont ni force, ni puissance. Je ne vais pas les mettre en salle de musculation car ce serait au détriment de leur qualité d’endurance et de souplesse. Mais la plus grosse marge de progression se trouve au niveau tactique. Les joueurs avaient des difficultés sur la défense en zone, sur les placements avec le ballon, les déplacements, les compensations. 

Quel type de jeu aimez vous pratiquer avec votre équipe?

J’essaie de transposer le modèle dit de la « périodisation tactique ».  L’idée est d’avoir le ballon et de construire par un jeu de passe au sol. Il faut aussi être capable d’avoir des alternatives quand on n’est pas capable de le faire. On travaille tout ce qui peut se passer dans un match : avoir la balle chez l’adversaire, être acculé dans notre camp… L’idéal, c’est d’être dans le mouvement, de remonter le ballon par des passes courtes et de le récupérer rapidement à sa perte.Cela correspond tout à fait aux qualités des Djiboutiens. Il faut être très bon dans le domaine technique pour mettre en place le projet.On l’avait très bien fait chez nous face à Eswatini (Swaziland) et face à la Gambie.Cela a été plus difficile à l’extérieur. 

Est-il intéressant pour vous d’aspirer l’équipe adverse et de jouer rapidement les contres?

Non parce que j’en ai très peu des joueurs rapides et puissants.On a adopté cette stratégie sur des matchs à l’extérieur mais on s’est procuré moins d’occasions que lorsqu’on essayait de construire le jeu. Cela a été le cas en Eswatini avec un seul titre cadré. Quand ça arrive, on essaie de bien fermer les intervalles et de bien défendre. Parfois on veut construire mais l’adversaire nous accule car il est plus fort.

Pour la seconde fois de votre histoire vous accédez en phase de poule qualificative à un Mondial. Comment cela se vit il au pays?

C’est une renaissance. L’esprit est bon.Les gens sont contents de vivre cela.Au niveau de la population, il y a beaucoup d’attente mais aussi de la lucidité On ne nous en voudra pas si on perd. Il faut qu’on surfe sur cet engouement pour améliorer notre football.

Est ce que cela n’effraie pas un peu vos joueurs de jouer dans une cour plus grande?

Non, je ne crois pas. Ils ont déjà connu des 6 ou 8 à 0 ou des 5-1.Il n’y a ni peur, ni pression car on n’exige rien de nous. On doit jouer notre va-tout et donner le meilleur de nous-mêmes. On ne doit pas être résignés. Les objectifs en termes de résultat, on ne les fixe pas avant. Ce n’est que dans la compétition qu’on verra vraiment. 

Le tirage au sort a eu lieu il y a quelques semaines au Caire. Quelles sont vos impressions sur vos futurs adversaires?

A titre personnel, je suis très content de ce tirage au sort. On ne pouvait pas rêver mieux.On sait bien qu’en terminant premiers, on n’est même pas sûr d’aller à la Coupe du monde au Qatar. Autant jouer les meilleurs. Peut être qu’on ne les rejouera plus. C’est un peu cet état d’esprit dans lequel on est. On est le Petit Poucet face au Champion d’Afrique. Cela va nous permettre de nous étalonner.On a 99% de chances de perdre les matchs aller et retour avec une différence de buts notable.Il faut tout faire pour que cela n’arrive pas en déjouant les pronostics. Il ne faut pas se focaliser sur les résultats. Même le Niger ou le Burkina Faso sont largement favoris par rapport à nous. L’objectif avec ce jeune groupe est de s’approcher d’une participation à une Can.

 Vous devriez débuter ces éliminatoires par un déplacement en Algérie. Est ce un inconvénient de commencer par le favori du groupe?

Il n’y a encore rien d’officiel. Le calendrier importe peu. Ce n’est pas primordial comme dans un tournoi comme la Can ou la Coupe du monde. Dans ce type de compétition, c’est important de savoir qui on joue en premier. Là on sait qui on a comme adversaires. Je vais bien prendre le temps de les étudier pour déceler des points faibles qui sont accessibles pour nous. Je compte aussi aller les voir dans les conditions réelles. 

Que serait un bon parcours pour les Requins de la Mer Rouge?

En étant lucide, ce serait d’avoir trois ou quatre points soit une victoire et un nul sur les six matchs. On peut faire un ou deux exploits mais pas six. En rêvant, ce serait de finir deuxièmes. Ce serait extraordinaire. Il faut que tout le monde, joueur, staff et supporters qu’on se détache du résultat. Cela dit nous allons jouer tous les matchs pour les gagner. Si on perd, je vais être dix fois plus énervé que pour un match amical.

Si vous battez l’Algérie, c’est Djamel Belmadi qui va piquer une colère…

(Rires). Je pense que sur un des deux matchs, il mettra contre nous l’équipe B.

Entretien réalisé par Nasser Mabrouk