Les opérateurs privés vont-t-il s’emparer de la gestion du patrimoine culturel algérien à la faveur du nouveau cahier des charges de l’Office de gestion et d’exploitation des biens culturels (Ogebc)? C’est en tous cas le souhait formulé par le Directeur général de l’office, Abdelkader Dahdouh qui se dit prêt à accueillir des investisseurs non étatiques pour garantir à sa structure « une exploitation commerciale optimale ».
Interrogé par l’APS, Abdelkader Dahdouh n’y va pas par quatre chemins. Il estime qu’il faut trouver des «solutions économiques de rechange » et adopter de «nouveaux mécanismes d’exploitation des sites du patrimoine ».
Concrètement cela passera par un cahier des charges rénové qui permettra « la location de structures de l’office dans plusieurs sites archéologiques comme celui de Tipasa qui comporte un projet de centre d’interprétation et de nouvelles structures commerciales », précise-t-il. Seront également concernés, entre autres, par cette nouvelle philosophie mercantile, les sites de Timgad (Batna), Djemila (Sétif), Kalâa des Béni Hammad (Msila) ou encore le fort de Santa Cruz (Oran).
En attendant de pouvoir mieux exploiter son patrimoine, l’Ogbec a dû s’adapter à la fermeture en mars dernier des musées et des sites archéologiques en raison de l’épidémie de Covid-19. A l’instar de ce qui s’est pratiqué un peu partout dans le monde, l’office a proposé au public des visites guidées virtuelles. Une expérience immersive qui devrait se poursuivre, avec la création « de musées virtuels et la reconstitution de vestiges en 3D », et générer davantage de notoriété et de retombées financières.
Le virtuel ne doit pas pour autant faire oublier le réel. Si certains monuments comme les fortifications d’Alger ou la zaouia tidjania de Boussemghoun (El Bayadh) font l’objet de restauration, beaucoup d’autres projets stagnent depuis plusieurs années. En cause, « les raisons administratives, techniques et surtout financières dont le règlement prend beaucoup de temps », déplore M. Dahdouh. Pour tenter de solutionner ce lancinant problème, il aimerait que la réglementation, concernant la restauration, prenne en considération« la spécificité et la complexité d’une intervention sur le patrimoine ».
L’autre frein à la préservation du patrimoine algérien est la multiplication des interlocuteurs gérant les biens culturels. Mentionnant l’exemple de la Casbah d’Alger, le DG de l’Ogebc a rappelé que c’était la Wilaya qui avait pris la main sur ce dossier. Son office se contentant « d’un rôle d’accompagnement tout en assurant le gardiennage des bâtisses inoccupées ».
Il est pourtant convaincu que la sauvegarde d’un lieu classé au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco nécessite parfois « d’outrepasser la réglementation ». Une législation qui ne correspond plus, selon lui ,« à la spécificité du site pour appliquer des décision strictes et adaptées ».
Pour rappel, l’Ogebc a été créé en 2007. Il est chargé de la gestion, de la mise en valeur, de l’entretien et de la protection des biens culturels matériels. Il a sous sa tutelle 32 wilayas et gère des sites archéologiques aussi réputés que ceux de Tipasa, Hippone (Annaba), Tiddis (Constantine), la Basilique de Sainte Crispine (Tébessa), les tombeaux de Massinissa, de Cléopâtre Séléné II, de l’Imedghacen ou encore les Djeddars de Frenda.
Amale Hoummati