©crédit photo/ Maitre Dattier

Passionné depuis son plus jeune âge par les métiers de bouche, Sofiane Ziouche a décidé de sublimer, dans un écrin chocolaté, la datte algérienne Deglet Nour, en créant – en 2018 – Maitre Dattier. Pionnier dans son domaine, le jeune chef d’entreprise de 32 ans a réussi, en quelques années, à relever le pari de l’excellence en séduisant de prestigieuses marques (Gucci, Guerlain, Dior…) et en multipliant les points de vente à Paris et en Banlieue. Entre deux ouvertures de magasin, le Chef – passé entre autres par la maison Lenôtre – a accepté de prendre de son précieux temps pour nous parler de sa passion du fruit.

Pourriez-vous présenter votre parcours à nos lecteurs?

Sofiane Ziouche : J’ai toujours été passionné par les métiers de bouche et par l’entrepreneuriat. J’ai donc suivi un cursus dans l’hôtellerie-restauration option culinaire avant de fonder en 2018, la marque Maitre Dattier. Au départ, il n’était pas prévu que j’en fasse un business..On m’avait apporté des dattes chocolatées du Moyen-Orient sous forme industrielle. C’était pendant le ramadan. J’ai adoré le concept. Je me suis amusé à les reproduire par plaisir. Contrairement à ce qui se fait au moyen-Orient, j’utilisais la datte algérienne, la Deglet Nour. A chaque fois que j’amenais mes boites pendant les repas, je voyais que cela faisait fureur.Des amis m’ont dit qu’il fallait que je les vende. Ils me disaient que c’était les meilleures dattes qu’ils n’avaient jamais mangées. Je voulais bien les commercialiser mais comment? Je n’avais ni boutique, ni labo pour les fabriquer.Ils m’ont alors incité à me lancer sur les réseaux sociaux.J’ai donc vendu mes premières boites à mes amis qui m’ont fait de la pub en retour. La demande a vite grimpé étant donné qu’on était en période de ramadan. C’était en 2019. Ce n’’était toutefois pas facile car je travaillais dans des conditions très précaires, dans mon F2. Ma femme était la seule personne à pouvoir m’aider. Je passais mes nuits à concevoir mes produits et les journées à les livrer avec un scooter qui tombait en panne entre chaque livraison. C’était vraiment dur. Après le ramadan, cela s’est vite calmé. Je me suis demandé si je devais continuer ou pas.Je n’oubliais pas les retours clients qui étaient très élogieux.Cela m’a touché. Je me suis dit qu’il ne fallait pas que je lâche car il y avait quelque chose à faire. C’est là que j’ai pensé aux mariages car les dattes se consomment traditionnellement à cette occasion.J’ai imaginé des pièces montées à base de dattes, des boites de trois dattes en alternative aux dragées. J’ai aussi pensé à créer de grands plateaux pour les buffets. C’est ce qui m’a permis de rester debout.J’ai commencé à investir avec les moyens du bord.Cela m’a permis de ne pas prendre de risques financiers. Cela a été très dur mais il n’y a pas eu de pertes. Après le ramadan, je me destinais à retourner en cuisine.Mais petit à petit, il y a eu de la demande. Le problème, c’est que chez moi cela commençait à être trop contraignant.Il me fallait des machines. J’ai eu l’idée de collaborer avec une boulangerie. J’ai occupé un espace de son laboratoire et j’ai utilisé une vitrine où je pouvais exposer et faire un dépôt-vente. Cela a duré presqu’une année. J’ai dû ensuite partir en urgence. J’ai trouvé refuge dans le garage de ma soeur à Bondy. Entre temps, pas mal de personnes m’ont démarché. Elles étaient intéressées par le concept et pour investir. Au départ, j’étais un peu méfiant. Par la suite, j’ai rencontré mes associés. Grâce à eux, on a pu créer ce laboratoire et ouvrir notre première boutique à Oberkampf. Ils m’ont donné les clés pour me développer rapidement. Ils m’accompagnent aussi dans le travail de tous les jours.

Vous avez été très sollicité car votre concept est unique en France. Comment avez vous procéder pour choisir vos associés?

Ce qui m’a rassuré, c’est qu’on a de la famille et des amis en commun. J’avais entendu parler d’eux bien avant car ils ont réussi dans le monde du business. Avec une boutique en ligne, des points de vente physique, la recherche et développement, ce n’était pas possible de tout gérer seul. J’avais besoin de quelqu’un qui puisse m’aider financièrement dans le développement de la société, et physiquement au quotidien.

Pour en revenir à votre produit, pourriez vous nous dire pour quelles raisons avez vous jeté votre dévolu sur ce fruit qu’est la datte?

C’est un fruit ancestral et prophétique. Il est mentionné dans le Livre sacré. J’ai toujours trouvé qu’il n’était pas assez mis en valeur. On le retrouve pendant la période de ramadan, posé « vulgairement » sur des étals de bouchers. Je trouvais cela un peu dommage car c’est un fruit magique qui a énormément de vertus. Il y a beaucoup de choses à faire avec ce fruit : en chocolaterie, en pâtisserie, en cuisine. Le but, c’est de le valoriser et de le sublimer. D’une part par son coté noble et d’autre part, par mes origines algériennes. Cela me tenait aussi à coeur de mettre en valeur le terroir d’Algérie. 

Comment sélectionnez vous vos fournisseurs en Algérie?

Je me suis rendu compte qu’il y avait des qualités de dattes différentes et que les fournisseurs n’étaient pas tous honnêtes. Avec le temps, on a su tisser des liens avec des producteurs sérieux. Chaque année, je vais à Tolga pour voir la récolte et choisir la marchandise.Mon but, c’est aussi de proposer d’autres variétés que la Deglet Nour. On est à la recherche de fournisseurs.A ce propos, il y a un voyage prévu en octobre.

Quels sont les pays qui vous fournissent les ingrédients qui entrent dans la composition du produit final?

On essaie de sourcer les produits bruts de qualité. Nous travaillons avec des fournisseurs français. Le chocolat vient de Belgique, les noisettes de Turquie, la pistache d’Iran et la noix de coco du Sri Lanka.On essaie de prendre un maximum de produits à l’état brut. C’est nous mêmes qui les transformons. Par exemple le beurre de cacahuète ou le caramel beurre salé sont faits par nos soins.

En parcourant votre site internet, on constate une très créativité dans votre production. Comment vous est venue l’idée d’enrober la datte de chocolat?

L’idée existait déjà mais sous une forme un peu vulgarisée et avec une variété de dattes différente de la datte algérienne. Je voulais m’inspirer de ce qui existait en apportant ma touche de savoir-faire français, dans le fourrage, et algérien dans la variété de la datte. On a des dattes fourrées au caramel beurre salé, à la framboise, au praliné pistache ou noisette. Formé par des chefs français, j’essaie de fusionner l’Orient et l’Occident dans mes recettes.

En parlant de savoir-faire français, quels ont été vos maitres?

J’ai fait un BEP de deux ans en hôtellerie-restauration option culinaire et un Bac pro de deux ans. J’ai effectué des stages dans des palaces et des bistrots parisiens.J’ai travaillé pendant plus de 10 ans en cuisine (La Maison du Danemark, le Bofinger, les hôtels Sheraton et Raphaël) où j’ai atteint le grade de chef. L’essentiel pour moi, c’est que c’était une cuisine faite maison.Il fallait qu’il y ait de la créativité. 

Vous êtes aussi passé par Lenôtre

Il faut savoir que j’étais autodidacte en chocolaterie. Je regardais plein de tuttos sur le net.Avec le temps, je me suis dit qu’il fallait que j’aie un diplôme en chocolaterie.J’ai donc effectué une formation chez Lenôtre dans leur école à Plaisir (Yvelines). J’ai décroché mon diplôme de chocolatier via cette formation.

Combien de temps vous a-t-il fallu pour trouver la bonne formule?

Il se peut que c’était un peu trop dosé au départ .Après un mois de travail et de recherche, on a pu trouver les bons dosages. Le problème se posait au niveau de l’esthétisme. Avec le temps, j’ai su peaufiner le décor des dattes. Aujourd’hui, j’appelle cela des bijoux. D’ailleurs, chaque datte porte le nom d’une pierre précieuse. On a la Rubis (datte fourrée caramel beurre salé nappée de chocolat au lait et parsemée d’éclats de caramel), la Jade (datte fourrée au praliné pistache et enrobée chocolat blanc), la Quartz (orange confite chocolat noir), la Saphir (datte fourrée au beurre de cacahuète nappée de chocolat au lait et parsemée de cacahuètes caramélisées), la Diamant rouge (datte fourrée à la framboise nappée de chocolat noir). On a en tout 13 variétés différentes qui sont sublimées grâce à un travail très méticuleux, d’horloger. Il y a souvent des clients qui nous demande si on les vend en vrac. On refuse de le faire parce que les dattes sont très fragiles. C’est pour cette raison qu’on a créé des coffrets avec un emplacement pour chaque datte, et pour ne pas les abimer. On fait plusieurs types de coffrets pour répondre à la demande. Certaines personnes ne souhaitent pas forcément de plateaux mais une petite boite de 3 ou 5 dattes à offrir à leurs convives. 

Jusqu’à quelle quantité de dattes vos coffrets peuvent-ils aller ?

Les coffrets démarrent à 3 dattes et peuvent aller jusqu’à 70. On propose aussi des pièces montées pour les mariages ou événements.. Cela change de ce qui se fait habituellement. D’ailleurs l’ambassade d’Algérie nous en a commandé pour la fête de l’indépendance nationale. Nous  les avions conçues sous forme de palmier. On peut également en faire sous forme de pyramide. On reste ouverts dans ce domaine. J’adore le challenge et créer de nouvelles choses. Si demain, un client m’en demande une en forme de dromadaire, je prendrais à coeur ce challenge. 

N’avez vous pas craint que pour les puristes de la datte, l’enrobage de chocolat soit considéré comme sacrilège?

C’est vrai qu’au début, beaucoup de gens critiquaient en pensant que la datte serait trop sucrée. Ce n’est pas le cas parce que tout est dosé. C’est fin. Ceux qui sont méfiants, je leur fais goûter.L’écrasante majorité change d’avis après avoir testé le produit. Il faut aussi savoir que la datte Deglet Nour est la datte la moins sucrée. 

Quels sont les retours des clients une fois le produit en bouche? 

Ils sont agréablement surpris.Les fans de dattes sont subjugués et ceux qui n’en sont pas forcément friands sont très étonnés. En général, nos clients reviennent. Ils en parlent autour d’eux.

A partir de la datte vous avez décidé de diversifier votre offre. Quelles déclinaisons proposez vous  à votre clientèle?

Dans notre boutique de Vincennes, nous avons mis en place des smoothies à base de dattes. Nous proposons aussi des dattes fourrées aux fruits secs et à l’orange confite. Dernièrement, nous avons lancé la glace à la datte Deglet Nour. A ce propos, nous avons travaillé pendant plus d’un an pour arriver au résultat final. En décembre dernier, nous avions déjà innové  pour les fêtes de fin d’année avec le foie gras aux dattes.

Vous avez été amené à travailler avec des marques prestigieuses. Comment ont-elles été amenées à collaborer avec vous?

Nous avons collaboré avec Gucci, Christian Dior, Guerlain..Ces grandes entreprises étaient intéressées par nos produits pour offrir à leur clientèle musulmane ou émiratie en période de ramadan ou pendant l’aïd. On a aussi travaillé avec la marque Loewe qui appartient au groupe LVMH. Il y aussi l’ hôtels Bulgari, le Sofitel,l’hôtel Elysia ou la Vallée Village qui nous passent régulièrement des commandes. 

Quels sont les canaux de distribution sur lesquels vous vous appuyés?

Nous avons démarré en ligne  sur www.maitredattier.com. Puis la première boutique physique que l’on a ouvert se trouve au 99 rue Oberkampf dans le 11ème.Elle existe depuis deux ans. En février dernier a suivi celle de Vincennes, puis un stand au centre commercial au O’Parinor (Aulnay-Sous-Bois) ainsi qu’un pop-up de six semaines aux Galeries Lafayette, boulevard Haussman.  Dernièrement, on s’est implantés au Centre Commercial de Belle Epine (Thiais). Suivront prochainement les centres de commerciaux Quartz (Villeneuve la Garenne) et Créteil Soleil ainsi qu’une boutique dans le 8ème arrondissement de Paris.

Y-a-t-il des périodes de l’année plus favorables aux ventes?

Les fêtes de fin d’années. Beaucoup d’entreprises passent des commandes pour faire des cadeaux à leurs clients. Le Ramadan reste toutefois la  meilleure période de l’année.  Il y a aussi les fêtes de l’aïd. Les clients trouvent que c’est le cadeau idéal. 

Est-ce que vous vendez aussi à l’étranger via votre site en ligne?

Oui, nous livrons partout en Europe et même à l’autre bout du monde. En France, on offre les frais d’expédition à partir de 69 euros d’achat.

Avez songé à vous développer à l’international?

Cela fait partie de nos projets. Nous aimerions faire grandir à l’international.

Quid de l’Algérie?

Il y a une très grosse envie d’y aller. L’avantage, c’est que les dattes sont sur place. On a aussi beaucoup d’Algériens qui nous contactent et qui nous demandent de nous implanter. 

Entretien réalisé par Nasser Mabrouk