Noureddine Ould Ali est le sélectionneur de l’équipe nationale de Palestine depuis 2018. C’est le second Algérien, après Moussa Bezaz, a dirigé les Lions de Canaan. Dans cette première partie, l’ex-coach de l’USM Alger nous dresse un panorama du football palestinien sous occupation.
Vous êtes à la tête de la sélection de Palestine depuis 2018, quel bilan dressez vous depuis votre prise de fonction ?
Nourredine Ould Ali : Je dirais plutôt positif. Mon objectif était d’amener cette équipe à un palier supérieur. C’était de passer de l’étape de participation à celle d’adversaire coriace sur le continent asiatique.
Comment vous êtes vous retrouvé sur le banc des Lions de Canaan?
Entre 2010 et 2012, j’ai eu une première expérience d’adjoint de Moussa Bezaz qui était le sélectionneur. Quand il a arrêté, par respect, je n’ai pas repris derrière. J’ai gardé le contact avec la fédération et l’équipe en place. Dans l’intervalle, j’ai travaillé au Bahrein et à l’USM Alger. Après mon aventure avec l’USMA, on m’a sollicité pour intégrer la fédération en tant qu’entraineur général de l’équipe A .J’avais aussi un œil sur les autres catégories .Cela a duré jusqu’en 2018. Après cette date, le Président de la fédé m’a confié la sélection.
La sélection de Palestine a participé aux Coupes d’Asie de 2015 et 2019. Comment analysez vous leur deux prestations?
Je n’étais pas en poste en 2015.C’était une première pour eux. Ils ont découvert ce qu’était le très haut niveau. Ils ont eu de mauvais résultats. Quand j’ai préparé l’échéance de 2019, je me suis beaucoup appuyé sur l’expérience de 2015. J’étais souvent en contact avec le sélectionneur de l’époque qui m’a conseillé pas mal de choses. Nous en avons tiré les leçons. Cela m’a donné des idées sur la manière d’aborder cette Coupe d’Asie. On a fait deux matchs nuls face à la Syrie et à la Jordanie. On a perdu face à l’Australie. On était dans une phase d’apprentissage. On a manqué de maturité à ce niveau-là.
Comment s’organise le football au niveau local?
Le football n’est pas structuré comme en Europe.Il y a un championnat professionnel qui est perfectible.On est en train de mettre en place des académies. On essaie d’imposer aux clubs d’avoir une structure de formation. C’est d’ailleurs ce qu’exige la Confédération asiatique de football.
Combien d’équipes évoluent dans le championnat?
Il y a un championnat professionnel de 12 équipes. Un autre semi-professionnel avec deux groupes de douze équipes, l’un en Cis-Jordanie, l’autre à Gaza. Des championnats sont organisés dans toutes les catégories ( U 20, U 17, U 15) et des plateaux pour les plus jeunes.Il y a aussi ceux parrainés par des Etats. Il y ainsi le tournoi de Tokyo qui est financé par le Japon. Il a son importance dans les championnats des jeunes.Nous avons enfin une compétition de futsal, de beach soccer, notamment à Gaza.Le football féminin existe aussi à travers un championnat de 8 équipes, plus les jeunes catégories.
A l’échelle de la région, que représente le football palestinien?
C’est un football qui est perfectible étant donné les conditions de vie des palestiniens. Ils veulent progresser mais il y a des problèmes liés à l’occupation. Le statut de la Palestine, un Etat non reconnu internationalement, empêche la progression dans tous les domaines de la vie.
Comment s’organise donc votre travail sous l’occupation?
On organise l’imprévu.On sait qu’on aura des problèmes. On s’attend à les avoir. Je sais que j’ai 23 joueurs à disposition mais dans la réalité je ne les aurai pas tous. Les conditions sont difficiles. On essaie de développer les infrastructures et les moyens de récupération. On a ce qui est nécessaire aux joueurs. Le problème se trouve au niveau des déplacements, de la logistique qui ralentissent notre progression. Etant donné que nous n’avons pas d’aéroport, on est obligés de prendre l’avion en Jordanie.Il faut déjà deux jours pour sortir du pays. Les Palestiniens ne maitrisent pas les frontières. On dépend de l’occupant.
Avez vous un exemple à nous relater?
Par exemple, on a joué un match le 5 septembre à Singapour. J’ai demandé à ce qu’on sorte le jeudi.Il fallait quitter le lendemain matin à 6 heures car les frontières sont ouvertes de 8 à 10 heures On avait un vol le surlendemain. A 11 heures, on arrive en Jordanie. On a du attendre 2 heures du matin pour prendre l’avion. On a eu ensuite 16 à 20 heures de vol. On est arrivés à deux jours du match. Les joueurs n’ont pas pu récupérer. On a passé plus de temps dans la récupération et à remotiver les joueurs. La Palestine n’est pas une sélection pas comme les autres .C’est la gestion de l’imprévu.
Vous avez plus de mérite que n’importe quelle autre sélection au monde
C’est une école. J’ai appris pas mal de choses. J’ai une équipe avec moi. Le Président, Monsieur Jibril Rajoub veut réussir. Il y a la passion des joueurs qui nous disent qu’ils sont là pour jouer. Ils acceptent ces conditions. Ils nous aident même par leur patience, par leur caractère positif.
C’est plus que du sport, c’est une cause à défendre
Exactement. Quand il y a des difficultés, je donne la parole à tout le monde. On doit partager la responsabilité. Ceux qui ne jouent pas acceptent sans problème.
Quelles sont les raisons qui font que vous n’avez pas tous vos joueurs ?
C’est la difficulté liée aux déplacements des joueurs. La Palestine n’a pas d’aéroport, ni de frontières reconnues. Si on convoque des joueurs qui viennent de l’extérieur ou de Gaza, le regroupement est difficile. Si on y parvient, c’est vraiment à la dernière minute.
Etes vous aidé par la FIFA, la Confédération asiatique de football ou des pays de la région pour vous faciliter le travail?
Je pense que la fédération palestinienne bénéficie de programmes de développement financés par la FIFA ou l’AFC (confédération asiatique),Il y a aussi d’autres facilités initiées par des pays comme le Qatar, les Emirats Arabes Unis, le Maroc ou l’Algérie. Ils nous permettent de nous préparer dans des meilleures conditions et d’utiliser leurs infrastructures en toute quiétude. J’aime faire des stages à l’étranger. Cela permet aux joueurs palestiniens de sortir de leur quotidien et de se concentrer sur le football et sur la sélection.
Vous appuyez vous sur la diaspora pour composer votre sélection?
Oui.J’ai 60 à 70% des joueurs issus du championnat local. Les autres, ce sont les manques que j’ai au niveau national.Je ne suis pas du genre à prendre un footballeur parce qu’il évolue à l’étranger. C’est en fonction de mes besoins. S’il est supérieur au joueur local, on le fait venir d’ Egypte, du Maroc, de Suède, de MLS (Amérique du Nord) ou du Chili.
Entretien réalisé par Nasser Mabrouk