Dans cette deuxième et dernière partie d’entretien, Nourredine Ould Ali évoque les liens particuliers qui unissent la Palestine à l’Algérie. Il aborde également le football algérien d’hier et d’aujourd’hui.

La sélection de Palestine vit sous occupation. Lui trouvez vous des similitudes avec la glorieuse équipe du FLN des années 50 sous la colonisation française?

Il y a une similitude dans le combat.L’équipe du FLN regroupait les joueurs à l’extérieur de l’Algérie. Nous, on se regroupe en Palestine avec des contraintes.

Il y a une même symbolique politique.

Absolument. Il y a un coté nationaliste.La sélection est un porte-drapeau.Cela fait aussi connaitre la cause qu’on défend.

Est ce que vous vous inspirez dans vos causeries du destin de cette équipe du FLN?

Je leur ai parlé de cette équipe. Ils connaissent le sacrifice de beaucoup de joueurs qui auraient pu faire la Coupe du monde de 1958 en Suède avec l’équipe de France. Nous avons aussi des joueurs qui se sacrifient. Il y a des clubs qui empêchent certains éléments de venir chez nous.Ils viennent quand même car pour eux, c’est sacré.

Vous êtes le second sélectionneur Algérien à entrainer la Palestine. Quels sont les liens entre les deux pays?

Pour les Palestiniens, l’Algérie est une référence sur tous les plans, et notamment pour ce qui est de la résistance. Et vice-versa, les Algériens sont toujours avec les pays qui sont opprimés.

Comment le peuple a-t-il vécu la victoire de l’Algérie lors de la CAN en Egypte?

J’étais sur place. Il y avait un écran géant. C’est comme si la Palestine avait gagné. C’était la fête dans toutes les villes, dans les villages. C’était impressionnant.

Algérie CAN 2019 CAF Awards

Cela devait être fort en émotion

Exactement. J’étais avec le public. Ce n’était pas des spectateurs mais des supporteurs.Les gens pleuraient comme si c’était leur sélection nationale qui avait remporté le titre. 

Il semblerait qu’il y ait des Palestiniens qui aient des origines algériennes?

J’ai fait une recherche. Il y a une communauté qui se trouve à Safad dans le nord de la Palestine historique.Ils parlent le kabyle. Je n’ai pas eu l’occasion d’aller voir. C’est un souhait.

A titre personnel, vous avez décroché votre licence UEFA Pro en 2019. Qu’est ce que ce diplôme vous permettra de faire?

J’ai fait partie en Belgique de la promotion 2016-18 que l’on a terminée en avril 2019.C’est une licence qui me permettra d’exercer à l’avenir en Europe.Cela fait partie de mes objectifs. On n’est pas nombreux en tant qu’Algériens à l’avoir eue.

Vous participez régulièrement à des stages dits de recyclage ou à des séminaires. Qu’est ce que vous y apprenez?

Je suis un éternel étudiant.J’ai aussi fait de la préparation physique et mentale. En tant qu’entraineur, j’essaie d’associer toute cette science afin de gagner du temps. C’est un facteur qui est très important. On en manque toujours.On est sous pression constamment.J’essaie de simplifier au maximum ma préparation. Notre rôle, c’est d’être prêt tactiquement et mentalement. C’est la raison pour laquelle je m’intéresse à tous ces modèles de préparation. Cela ne me dérange pas d’assister  aussi à un match de basket ou de handball pour en tirer quelque chose.

Ces stages ont lieu suivant quelle périodicité?

Cela dépend de ma disponibilité, de la géographie. Je les fais quatre fois par an environ.Je me sacrifie pour les faire.

Vous aimez bien vous entrainer suivant le modèle dit de la « périodisation tactique « . Vous dites que ce ne sont pas les Portugais qui l’ont inventé car vous l’utilisiez déjà en Algérie dans les années 80. Pouvez vous préciser?

J’en ai parlé avec Carlos Queiroz (ndlr, entraineur portugais) lors d’une réunion de coachs en Angleterre.Je suis issu de l’Institut des Sports de Ain Benian à Alger.A l’époque, c’était l’école russe ou celle de l’Europe de l’Est. En 1990, on nous parlait de cela mais sous un autre nom. Dans les années 80-90, la formation en Algérie était de très haut niveau dans tous les sports collectifs.Un Monsieur comme Aziz Derouaz (ex-sélectionneur de Handball) a mis en place un système de jeu ( défendre en pressant l’adversaire) qui a changé la vision du handball mondial. Pour revenir à ce qu’on appelle aujourd’hui la « périodisation tactique », on structurait nos séances en fonction de l’objectif tactique principal puis secondaire.Il fallait tout le temps avoir un objectif tactique à chaque séance. Aujourd’hui, on parle de grand principe, de principe général, de sous-principe…Ce sont des choses que j’ai déjà vues et mises en place. 

Vous disiez que l’Algérie était à la pointe autrefois. Est ce qu’aujourd’hui, vous ne faites plus le même métier que vos collègues d’Afrique du Nord qui réactualisent peu leurs connaissances ?

Quand il y avait cette excellence dans les années 80, il y avait une volonté politique. Les gens voulaient qu’il y ait du sport de haut niveau en Algérie.Ils ont mis en place les infrastructures.Ils ont travaillé sur le matériel et ont investi sur l’homme. Ma première expérience au pays a eu lieu en 1995 avec les jeunes de l’US Chaouia. Depuis ça se dégrade. A l’époque, on s’appuyait sur nos formateurs. Par la suite, il n’y a plus eu de politiques de formation. Aujourd’hui, on ne sort pas d’entraineurs.On donne des diplômes de complaisance à d’anciens joueurs.Un ministre arrive et donne un peu. C’est du social.

Est ce que l’un des maux du football algérien serait plutôt les présidents de club qui n’ont pas la carrure pour diriger ?

Je me faisais cette réflexion récemment. Je me disais qu’on faisait venir des entraineurs de l’étranger. Pourquoi n’en ferait on pas autant avec les présidents qui ont l’expérience? C’est un mal parce que chez nous ils ne sont pas formés. A part le président de la Fédération algérienne de football qui a réussi avec son club du Paradou AC, 80% des autres dirigeants arnaquaient les entraineurs et les joueurs. Ils ne payaient pas les salaires.Aujourd’hui, ils sont à la tête de certaines commissions. Que peuvent ils apporter au football? Ce n’est pas étonnant que le foot algérien soit déficitaire avec ces hommes.

La solution, c’est peut être de faire un « hirak » sportif?

Je pense qu’il faut investir sur l’homme.Il faut donner confiance à ces jeunes.On ne veut pas des fonctionnaires. 

La campagne africaine s’est achevée il y a quelques semaines pour les clubs algériens. Aucun ne s’est qualifié pour les quarts de finale.Etes vous surpris par ces résultats?

Je ne suis pas surpris. Je connais bien la maison USM Alger pour y avoir été. J’ai aussi suivi la JSK qui n’avait pas l’équipe pour affronter le Raja de Casablanca et l’Espérance de Tunis qui sont deux crans au dessus.De plus, sur ces dernières années, les Canaris jouaient le maintien. Ils n’étaient pas capable de passer à un autre standing. Avec les nouveaux dirigeants, il y a un projet à moyen terme. Quant à l’USMA, elle a été touchée par le Hirak national.Ses soucis sont liés aux finances et à la gestion du club. 

Entretien réalisé par Nasser Mabrouk