C’est l’histoire d’un héros algérien pris pour un terroriste lors de l’agression à l’arme blanche – vendredi 25 septembre – contre deux employés de la société de production Premières Lignes.

Il est quasiment midi quand Youssef quitte l’appartement où travaille son frère non loin de la rue Nicola Appert, lieu de l’attaque.

« J’étais en train d’entrer dans ma voiture, quand j’ai entendu les cris d’une femme. Je regarde dans mon rétroviseur pour voir ce qui se passe, puis je sors de ma voiture et j’entends cette fois un homme qui crie : “Non, non, non !” A ce moment-là, je vois un mec suspect qui court en direction du métro Richard-Lenoir, je suis parti directement pour le suivre », a-t-il confié au journal Le Monde.

Lancé à la poursuite du suspect numéro 1, le jeune homme descend dans le métro pour tenter d’interpeller le fuyard. « J’arrive et je lui demande ce qu’il a fait. Il m’a sorti une lame de cutter. Je crois qu’il ne parlait pas le français. Il était étonnement calme. C’est comme s’il attendait tranquillement le métro. Il est monté dedans sans agresser personne et il est parti en direction de Bastille », raconte Youssef

Dix minutes après le drame, la police débarque. Il indique alors à un agent que l’agresseur s’est dirigé vers la station Bastille. 

S’ensuit un imbroglio qui mettra le jeune homme dans tous ses états.Alors qu’il veut aller voir les victimes, les policiers rendus sur place lui intiment l’ordre de rebrousser chemin. Il décide alors de prendre son véhicule pour aller chercher ses papiers et faire une déposition en tant que témoin oculaire.

Au même moment les agents de la Préfecture de police de Paris décortiquent les images de vidéosurveillance. Ils repèrent l’échange verbal entre les deux hommes sur le quai. La photo de Youssef est diffusée. Elle est présentée au gardien d’immeuble où travaille son frère qui, resté sur place, demande à son Benjamin de revenir. Une fois de retour sur les lieux, ce dernier s’approche des forces de l’ordre qui le reconnaissent et l’emmènent tout de go dans le métro pour prendre son portrait.

Après avoir été pris en photo, on le menotte illico presto. Il parvient à entendre dans son dos une voix qui dit clairement : « On l’a chopé ». Malgré sa dénégation des faits qu’on lui reproche, on lui signifie sa garde à vue tout en lui demandant de signer un document.

Dépêchée également sur place, la brigade de recherche et d’intervention est décrite par le « suspect numéro 2 » comme étant plus agressive. On lui place une bavette anti-Covid, un masque occultant qui cache les yeux et on lui rabat la capuche sur la tête. « Avant de sortir du métro, ils ont parlé entre eux, en demandant : « Est-ce qu’ils sont là ? » Ils parlaient des des journalistes. Ils voulaient que ça se voit qu’ils avaient arrêté quelqu’un », poursuit l’Algérien. 

Conduit au commissariat du 17è arrondissement, il est fouillé, dépouillé de ses lacets et placé en cellule. Un policier, en qui il a confiance, le rassérène en lui expliquant qu’ils ne font que leur travail et qu’il sera seulement questionné. 

Dans les rédactions parisiennes l’effervescence gagne les journalistes. La sempiternelle course au scoop produisant les mêmes effets dévastateurs, on donne en pâture à l’opinion publique une partie de son identité. Sa date de naissance, ses initiales et sa nationalité sont divulguées. Les réseaux sociaux prennent le relais pour amplifier la fake new. On croit tenir là le parfait complice du crime.

« Le 2ème suspect n’est autre qu’un jeune homme héroïque qui a tenté d’arrêter l’assaillant. Il s’est présenté à la police pour témoigner, on l’a menotté, cagoulé devant les caméras, placé en garde à vue malgré les témoins et les vidéos. Il sort ce soir épuisé et choqué », a rapidement tweeté son avocate Lucie Simon

En cellule Youssef commence à paniquer en réalisant l’ampleur de l’affaire. Titulaire d’un titre de séjour de 10 ans, il craint que ses démarches pour obtenir la nationalité française n’aboutissent pas. Entre temps, il entend dire qu’une perquisition de son appartement – qui n’aura pas lieu – est programmée.

Finalement, le trentenaire est libéré aux alentours de minuit sans qu’aucun charge n’ait été retenue contre lui.

« Je voulais être un héros et je me suis retrouvé derrière les barreaux », s’interroge encore groggy Youssef.

Amale Hoummati