Tout semble indiquer que la saison touristique 2020 est d’ores et déjà ratée en Algérie.En raison du flou qui entoure le secteur, aucun protocole sanitaire n’a été encore validé. Aucune agence n’a mobilisé ses ressources pour relancer ses ventes. Il faut dire que la fermeture du traffic aérien, l’hésitation des hôtels à recevoir les clients, l’épidémie de Covid-19 qui persiste, la clientèle qui ne sait plus quel saint se vouer ne sont pas des indicateurs rassurants pour la filière.
Un secteur à l’arrêt
Désespérés, les agents de voyage vivent des moments difficiles car aucune solution n’est envisageable dans l’immédiat. Les réunions marathon entre syndicats et administrations n’ envoient pas de signaux positifs aux opérateurs économiques.
Dans l’hôtellerie, l’heure est à également à l’inquiétude. Les professionnels espéraient beaucoup des mois de juillet et d’aout pour se relancer. La timide reprise de l’activité touristique, entrevue en juin, a vite été stoppée par l’apparition de nombreux nouveaux foyers de contamination. L’impact considérable sur les clients a obligé les hôteliers à reporter aux calendes grecques leurs réservations.
Les 1600 km de cote ont été désertées.Seuls quelques riverains osent encore s’aventurer de bon matin avant d’être rappelés à l’ordre par les forces de sécurité. Une image bien terne si l’on compare aux années précédentes où les plages, les criques, les jetées des ports étaient envahies par les milliers de baigneurs et de vacanciers.
Pour les spécialistes des voyages sahariens, c’est aussi l’expectative. Aucun élément ne donne de l’espoir à une relance du coming in (tourisme intérieur).
Les quelques voyagistes contactés avaient aussi misé sur une relance à l’international – avec des arrangements entre partenaires du bassin méditerranéen – afin d’amortir les effets de la pandémie sur leurs activités. Ce fut un désenchantement des plus amers : frontières terrestres et maritimes fermées, avions cloués au sol, ventes plombées par l’absence de visibilité.
La filière Hadj et Omra n’échappe pas à ce marasme. L’annonce de l’annulation du Hadj 2020 par les autorités Saoudiennes est ainsi venue mettre fin aux espoirs de certains agents de voyage spécialisés dans le tourisme religieux. Ce manque à gagner, estimé à plusieurs milliards de dinars, aura assurément des répercussions en termes d’emplois, de croissance et sur le maintien d’une activité soumise à de fortes pressions.
Certaines agences ont d’ailleurs déjà mis leurs personnels au chômage partiel en attendant des jours meilleurs.
Tous ne connaitront pourtant pas la mise au repos forcé. En effet, avec cette saison estivale compromise, des milliers d’emplois saisonniers sont en passe de finir au pilori. Particulièrement touchée par cette crise, les 20-40 ans s’apprêtent ainsi à venir gonfler un peu plus le bataillon des chômeurs algériens.
Un retour à la normale entre 2021 et 2023
Si l’on tente de se projeter un peu, l’année 2020 peut être dès maintenant considérée comme une année noire. Selon, Said Boukhelifa expert international en Tourisme, « l’amélioration n’interviendra pas avant le printemps 2021 ».
D’autres analystes paraissent sont moins optimistes. Pour eux, la lenteur de la relance et la reprise graduelle des activités ne permettront de retrouver le volume d’affaires d’antan que dans 3 ans, c’est à dire en 2023.
Chacun y va donc de ses supputations sur un état des lieux déjà chaotique depuis plus de 10 ans.
Les sorties médiatiques volontairement rassurantes du ministre du tourisme fraichement installé, Mohamed Hamidou, ne convint que très peu de personnes qui sont davantage préoccuper par l’urgence d’une faillite non annoncée.
Se regrouper ou disparaitre
Le cri de détresse de ces professionnels est inaudible. Pour certains, il faudra repenser la profession et se réorganiser en corporation afin de mieux défendre l’intérêt collectif. C’est le prix à payer pour ne pas disparaitre.
A ce titre, des webinars sont organisés autour de thématiques variées telles que l’état des lieux, la profession ou la manière de relancer le tourisme en Algérie. Ce genre d’initiatives fort louables viennent ainsi combler l’absence d’échanges et de débats avec la tutelle.
Cependant cette nouvelle approche – initiée par un groupe de voyagistes – ne sera utile que si elle débouche sur une plateforme de revendications suivie d’une réorganisation de la profession autour d’objectifs clairs et mutualisés.
Il en va de l’avenir de la filière car sur 3500 voyagistes moins de 10% sont affiliés à des organisations corporatistes. C’est encore plus criant chez les hôteliers dont à peine 8% sont membres de la Fédération nationale de l’hôtellerie (FNH).
Cette atomisation des acteurs du tourisme est un frein à la défense des intérêts de la profession. Elle est aussi un handicap pour peser auprès des pouvoirs publics.
Bon nombre d’opérateurs touristiques semblent enfin l’avoir compris. Pour preuve le leitmotiv qui revient souvent dans les conversations : « Organisons nous avant qu’il ne soit trop tard ».
Mieux vaut tard que jamais…
Par Mohamed Bourad