Hamza Serrar Football Algérie Charlton

Hamza Serrar a choisi le chemin de l’exil pour continuer à se former et vivre de son métier. C’est en Angleterre, « le pays du football », comme il aime à l’appeler, qu’il s’est installé pour exercer la profession de coach. Entraineur des U23 de Charlton (la réserve professionnelle de l’équipe de Championship), depuis 2018, l’Algérien s’épanouit dans un rôle hybride d’éducateur et de technicien. Entretien avec passionné qui est en train de se faire un nom.

(1ère partie)

Pouvez vous nous retracer votre parcours dans l’univers du sport?

Hamza Serrar : Je suis issu d’une famille très sportive. Mon oncle a été footballeur professionnel. Mon père a été un des dirigeants de l’Entente Sportive de Sétif. C’est là bas que j’ai commencé à jouer au football. J’ai fait toutes les catégories en jeunes. C’est le rêve de presque tous les Sétifiens. J’ai ensuite arrêté pour m’essayer au basket ball et là a natation. A 19 ans, durant les années 90, j’ai rejoint Constantine pour faire des études d’éducateur sportif. C’était une époque pas stable.Il y avait beaucoup de problèmes dans le pays. Je suis donc parti à l’étranger pour faire une carrière dans le sport. Des collègues ont été en France. J’ai pensé différemment . Comme je voulais être entraineur de foot, le pays du foot c’était l’Angleterre. J’avais 20 ans. Je pensais que cela aurait été un peu plus facile. C’était un peu compliqué au début car je ne parlais pas la langue. Et petit à petit, j’ai travaillé de ci de là tout en continuant mes études. 

Quelles études avez vous suivies ?

J’ai préparé le BS Honours à Stratford dans l’East London. C’est une sorte de brevet sportif.C’est un diplôme universitaire équivalent à la Licence en France. Parallèlement, je faisais bénévolement des séances d’entraînement dans les parcs pour les jeunes et pour la communauté qui n’avait pas d’argent. Par la suite, j’ai intégré, à mi-temps, les centres de formation de Millwall et de West Ham. Je m’occupais des U13. Je voulais montrer ce dont j’étais capable. En 2012, j’ai eu une opportunité de revenir en Algérie avec l’académie de la Fédération Algérienne de Football (FAF). C’était pour travailler avec Jean Marc Nobilo, l’ancien Directeur du centre de formation du Havre. J’ai sauté sur cette occasion pour apprendre d’une personne expérimentée.

Comment avez vous finalement atterri à Charton après votre retour d’Algérie?

En 2010, j’ai passé mon diplôme UEFA B. Dans le groupe, il y avait un confrère qui s’appelle Adam Lorens. C’est un Anglais.Nous étions proches. On partageait les mêmes idées sur le foot. Nous sommes toujours restés en contact. Il voulait que je le rejoigne à Millwall mais j’étais en sélection d’Algérie avec les U20. Il m’a proposé de travailler avec lui dès que je finirais avec les U23. A la fin de la CAN, en 2013, j’ai continué là bas en travaillant avec les A’ et Belloumi. On devait jouer le CHAN en Libye mais le pays était en guerre. Le tournoi a été annulé. Je suis donc revenu en Angleterre. L’ancien DTN, Haddouche, m’a appelé pour que je travaille avec Vahid Halilhodzic. J’ai décliné la proposition . Je ne pouvais pas y aller et laisser ma famille ici. J’ai ensuite entamé une collaboration avec la DTN anglaise pour être « Coach Mentor ». Je suis devenu encadreur des entraîneurs de jeunes à Londres et dans l’Est. J’en avais 17 sous ma responsabilité. Ce n’était pas des cours théoriques. C’était plus du suivi dans leurs clubs respectifs. J’avais pourtant envie d’être sur le terrain avec une équipe. C’est alors que mon ami Adam m’a contacté pour prendre en charge les U14 de Charlton. Je l’ai fait à mi-temps tout en continuant en tant que coach mentor. La deuxième année, le directeur du centre de formation de Charlton voulait m’avoir à temps plein. Il m’a proposé de prendre les U 18. J’aimais beaucoup ce que je faisais avec la fédé anglaise mais je donne le meilleur de moi même quand j’ai une formation à coacher. J’ai pris alors les U18. Au bout d’une année, on a atteint les demis-finales du championnat national. Et la seconde année, on l’a gagné contre Crystal Palace. Le Directeur du centre m’a alors demandé de prendre les U23 qui est la réserve de l’équipe première. 

Peut-on dire que vous êtes un bon formateur?

Je ne parle jamais à la première personne. Je dis  toujours »nous » quand je m’adresse à mes joueurs dans le vestiaire. Belmadi fait la même chose. La force, c’est d’être une partie de l’équipe. C’est tout un système qui forme. 

Vous n’êtes donc pas un « Special One » à la Mourinho

Je ne suis pas Mourinho. Je ne dis pas  « moi » même si je suis le responsable. Je choisis les joueurs et je fais la tactique. Après ce sont les joueurs qui sont sur le terrain. Il y a aussi le staff médical, le préparateur physique. Ce n’est pas juste de se mettre en avant.

Vous travaillez avec un staff de combien de personnes à Charlton?

Il y a moi, deux entraineurs, un coach des gardiens, un préparateur physique, un médecin, un kiné, un video analyste… On doit être en tout une dizaine de personnes à temps plein. On a aussi des contractuels pour faire un travail spécifique. Un psychologue vient chaque mercredi. Nous avons également un « Player Care ». C’est une personne qui échange avec les joueurs uniquement sur l’aspect humain. Il aborde des thèmes comme la confiance, la réussite, la famille, l’avenir…

Vous qui avez eu une expérience en Algérie ,n’avez vous pas parfois l’impression de faire un autre métier en Angleterre?

En Algérie, j’ai eu la chance de travailler avec la FAF. On avait tout à notre disposition. En revanche, dans les clubs c’est trop compliqué. Il y a trop de problèmes pour faire son travail. Je discute avec mes collègues qui ont entrainé de grands clubs sur place. Ils me disent tous qu’on fait tout sauf  entraineur de football. Le métier est totalement différent. 

Votre équipe réserve est-elle aussi professionnelle?

Tout à fait. La direction voulait une continuité dans le staff technique. J’entame ma deuxième saison.  C’était les mêmes joueurs que j’avais eus en U17 et U18. Cela m’a arrangé même si c’est assez difficile puisqu’il faut les pousser pour qu’ils intègrent l’équipe première. Dans le même temps, trois joueurs de l’équipe senior peuvent venir renforcer les U23. Il n’ y a donc pas toujours le même groupe pour travailler mais c’est un bon défi à relever.

Vous êtes le seul Algérien à évoluer en tant que technicien professionnel dans le football anglais. Cela doit être une fierté pour vous?

A 1000%. Malgré ma double nationalité, je resterai toujours Algérien. C’est une fierté pour ma famille, pour moi et pour tous les Algériens. Je ne pense pas à ce genre de chose mais on quand on me pose la question, j’éprouve ce sentiment. 

Entraine t-on de la même manière les jeunes comme on le fait avec les Seniors?

Pas avec les U14 ou U15. Avec les U23, c’est la même chose. En terme d’intensité, cela doit être identique. Ces jeunes doivent être prêts à n’importe quel moment pour jouer avec notre équipe première. Avec les Seniors, le travail est tactique match après match. Avec les U23, c’est plus dur.Ce sont les IDP’s (plan de développement individuel). Ils doivent s’adapter tactiquement et physiquement pour jouer en équipe Une. Sur le plan psychologique, ils sont toujours jeunes.La différence se fait sur le plan mental car sur les plans physique, technique et tactique, ce doit être identique avec l’équipe première. C’est très délicat. Il faut savoir comment travailler avec eux pour qu’ils soient au niveau avec les seniors.

Quel est l’âge moyen de vos joueurs?

Ils ont environ 19 ans et demi. A Charlton, on a une philosophie bien précise. Si un joueur atteint les 20 ans et qu’il n’est toujours pas en équipe première, on le libère. Si à cet âge, le jeune ne fait pas au moins les séances d’entrainement ou s’il ne dispute pas des matchs de coupe, cela veut dire qu’il doit trouver une autre voie. On dit ici qu’à 20 ans le jeune doit aller jouer le Men’s Football ( le football des hommes). 

Quelle est la philosophie de jeu pratiquée par Hamza Serrar?

Il y a cinq moments dans le jeu. Quand on a le ballon, on doit construire ou se projeter vite vers l’avant. Quand on perd le ballon, on presse en essayant de le récupérer dans les 5 secondes. Si on ne peut pas, on se replie défensivement dans notre système de jeu. ll y a les transitions défensives ou offensives. Ces phases sont les plus importantes pour moi. Ce sont les périodes de jeu où tout se passe. Ce sont des moments où tout est désorganisé. Les joueurs sont un peu partout. Qu’est ce qu’on fait quand on récupère le ballon (transition positive) ou quand on vient de le perdre (transition négative) ? Ce sont les deux phases les plus cruciales dans le football. Le cinquième critère, ce sont les coups de pied arrêtés. Cela peut être une clé pour gagner ou perdre une rencontre. 

Y a-t- il des entraineurs qui vous inspirent?

Bielsa, c’est le parrain des entraineurs.Il a un jeu très simple et compliqué en même temps. Dans ses mouvements offensifs, c’est le meilleur. Le timing est très étudié. On reconnait son équipe également dans les phases de transition. Cela travaille dur et intelligemment. Cela court partout. Il y a aussi Allegri qui a beaucoup de souplesse tactique. Quant à Guardiola , il a mis de la vitesse dans le football espagnol qui était basé sur le tiki-taka (redoublement de passes).

Entretien réalisé par Nasser Mabrouk

Dans la 2è partie de l’entretien avec Hamza Serrar, il y sera question de la Can U20 que l’Algérie avait organisée en 2013, des raisons de l’échec de cette sélection entrainée par Jean Marc Nobilo, de Djamel Belmadi, du jeune Wassim Ouachria.