Algérie JeJean Marc Nobilo CAN 2013

Dans cette deuxième partie, Hamza Serrar revient sur sa collaboration avec  Jean Marc Nobilo. Il évoque notamment les raisons de l’échec de l’équipe nationale des U20 lors de la CAN organisée par l’Algérie en 2013. Au menu également,  la réussite de Djamel Belmadi et le portrait d’un jeune talent algérien, Wassim Aouachria. 

En Algérie, vous avez été l’adjoint de Jean Marc Nobilo qui jouit d’une bonne réputation dans le milieu de la formation. Qu’avez vous appris à ses cotés?

Hamza Serrar : Je ne connaissais que les systèmes algérien et anglais. En Algérie, c’était plus ou moins le système russe. En matière de formation, la France est au top. Avec Jean Marc, j’ai surtout appris la discipline. Il était à la fois strict mais très juste. Il nous demandait de travailler dur. Notre CAN de 2013 à Ain Témouchent a été un échec par rapport aux résultats. On n’a pas pu accéder en demi-finale. Malgré cela, le groupe qu’on avait mis en place a réussi à être Vice-champion d’Afrique en U23. Ils se sont ensuite qualifiés pour les JO de Rio en 2016. C’était un travail à long terme qui a porté ses fruits. Il y a beaucoup de joueurs qui sont sortis de cette académie comme Benkhemassa, Abdellaoui, Benguit, Ferhat…

Monsieur Nobilo a eu à disposition certains moyens. Comment pouvez vous expliquer cet échec à domicile?

Je pense que les joueurs n’avaient pas d’expérience. Je me rappelle du premier match face au Bénin. Je ne les ai pas reconnus sur le terrain. Ils n’étaient pas prêts le jour J. Je pense que c’était plus d’ordre mental. 

Ont-il eu peur?

Oui, ils ont eu peur. Ils avaient les jambes qui tremblaient. Il faut se souvenir qu’il y avait 25 000 spectateurs dans le stade. L’erreur est peut être d’avoir eu un hôtel trop proche du lieu du match. La rencontre était programmée à 17 heures mais on l’a vécue dès 8 heures du matin. Le stade était plein 6 heures avant le coup d’envoi. Sur le plan psychologique, on aurait dû faire un meilleur travail. Techniquement et tactiquement, on était prêts mais pas sur le plan mental. Lors de la CAN 2015 au Sénégal, ils étaient prêts à ce moment. De temps en temps, c’est une étape. 

En Algérie, beaucoup d’entraineurs se sont succédé (Nobilo, Shurmann, Rajevac, Leekens, Alcaraz, Batelli…) mais ont échoué. Est ce toujours nécessaire de faire appel à des coachs étrangers qui coutent plus chers que les techniciens algériens?

Halilhodzic a eu du succès mais beaucoup n’ont en effet pas pu atteindre leurs objectifs. Personnellement, je pense que c’est très difficile de gérer un groupe de joueurs algériens pour un Français, un Espagnol ou un Anglais. On voit la réussite de Belmadi parce que le courant passe. On se connait. On sait comment on pense. Cette année encore, il y a eu un échec avec les U 23.

Avec Ludovic Batelli…

Exactement. Je ne veux pas rentrer dans des débats même si je pense que ce n’était pas le candidat idéal pour prendre la sélection algérienne en U23, puis la A’. A l’instar de Belmadi, je suis certain qu’il y a plein de Franco-algériens qui ont un beau niveau et qui auraient pu avoir de meilleurs résultats. Le courant serait mieux passer avec les joueurs. Je l’ai vécu avec Jean Marc Nobilo. La majorité des joueurs de cette génération ne parlent pas bien le français. Pour transmettre un message, c’est facile. Pour traduire une émotion, c’est impossible. C’était mon boulot de transmettre cette émotion de l’entraineur en chef. Quand il y a un intermédiaire entre le coach et les joueurs, c’est compliqué. 

Cela n’a pas la même force

Absolument. C’est très important dans une équipe de football. 

Cela explique la réussite de Djamel Belmadi. Etes vous surpris par son bilan?

Pas dut tout. On a de très très bons joueurs. Il n’y a pas de secret. Il suffit de travailler durement, d’être discipliné et juste. Les footballeurs ne demandent que cela. Djamel se tient à ces trois choses. L’équipe passe avant les individualités. Celui qui apporte le plus débutera le match. En créant ce type de culture, on parvient automatiquement au succès. 

Est ce que le plus beau succès de Belmadi, au delà de cette CAN, n’est-il pas d’avoir remis l’Algérie sur la carte du football international?

Certainement. Je me souviens en 2010 après notre qualification pour le Mondial en Afrique du Sud. Nous étions tombés dans le même groupe que l’Angleterre. Les gens pensaient que les trois points étaient garantis. C’était l’Algérie, c’est à dire rien du tout. 

Cela rappelle un peu l’Allemagne en 82

Exactement.Par contre, en 2014, quand on a participé à celle du Brésil. on a fait un bon parcours.Les observateurs commençaient à plus parler du football et du joueur algériens. Les titres de champion d’Angleterre et de meilleur joueur de Premier League de Ryad MAhrez ont contribué à ouvrir le marché anglais aux Algériens, footballeurs comme entraineurs. Quand je fais mes stages de recyclage, je dis que je suis Algérien. Les gens nous respectent par rapport aux parcours de la sélection en 2014 et en 2019 avec la CAN. Ils savent que l’Algérie est une force dans le football. Ce n’est plus cette équipe qui se qualifie pour une coupe du monde une fois tous les 10 ans. C’est ce qu’a bien fait Belmadi. On mérite ce respect. On aurait dû le faire depuis longtemps parce qu’on avait, en termes de qualité, le même type de groupe en 2006 ou 2008. Il fallait juste faire les choses correctement. 

Une des forces de Djamel, c’est d’avoir su miser sur les bons hommes. Autant pour les joueurs que pour ses adjoints. On a l’impression qu’il ne s’est jamais trompé. L’analysez vous de cette manière?

Les staff technique et médical sont d’une grande importance. Ils passent beaucoup de temps avec les joueurs. Il a su créer une culture. Même si je ne suis pas au sein de cette équipe, je constate une discipline tactique sur le terrain, sur le banc de touche. En entrant pour l’échauffement. En sortant pour rentrer au vestiaire. En tant qu’entraineur, je fais attention à ces détails. C’est un bon indice pour voir si les choses sont bien faites derrière.

Djamel Belmadi Algérie CAN 2019

On peut presque parler de miracle avec ce groupe. Il faut se rappeler d’où revient l’équipe d’Algérie. On a eu pendant trois années des entraineurs qui ont presque « saboté » le football algérien. Belmadi a récupéré une équipe qui était au fond du trou. En moins d’un an, il a construit un groupe compétitif. C’est assez fort?

Les ingrédients ont toujours été là. Le problème, c’est que les personnes qui prennent la décision de nommer un entraineur n’avaient pas la vision pour ramener le candidat idéal. Je ne pense pas que Belmadi était le premier choix. C’est un Franco-algérien qui a représenté l’Algérie en tant que joueur. C’était une idole pour les Mahrez, Brahimi, Guedioura…Maintenant, c’ est leur coach. Il a étudié. Il a eu cette soif d’apprendre et s’est donné du mal pour être entraineur.Il est parti au Qatar où il a fait ses preuves. On parle d’un parcours. Il n’a pas pris un poste juste après avoir arrêté sa carrière. Elle est là la différence avec certains anciens joueurs qui veulent être sur le banc de touche du jour au lendemain. 

C’est un métier

Oui. C’est ce que Zidane a dit quand il a commencé ses études. Les éducateurs se demandaient ce qu’ils allaient lui apprendre. Il a leur répondu qu’il ne savait pas gérer un groupe ou faire la tactique. Ceux qui prennent cette fonction en pensant que c’est un métier ne peuvent que réussir. 

Vous avez dans votre effectif un joueur d’origine algérienne, Wassim Aouachria. Pouvez vous nous en parler?

Il a évolué à Marseille chez les jeunes. Il a été en U19 et U20 avec l’Algérie. Je ne le connaissais pas. Un agent m’a appelé en disant qu’il avait un numéro 10 à me proposer. J’avais surtout besoin d’un avant-centre. Il m’a envoyé des videos. Son profil était intéressant. C’est un gaucher d’1m90. Il a une belle frappe. Il a beaucoup de qualités. Avec l’autorisation de l’OM, il est venu faire une semaine avec nous. J’ai vu qu’il avait des qualités techniques et qu’il était athlètiquement monstrueux.Il devait encore travailler physiquement car ce sont les caractéristiques du football anglais. C’est quelque chose qui était facile à travailler. Il est rentré en France. Je l’ai réinvité pour trois semaines. On a fait un match contre l’équipe seniors de Barnett (division 4). Il a marqué. On a alors décidé de lui offrir un contrat professionnel de six mois pour voir s’il pouvait s’adapter. Il l’a fait car il est humble, intelligent et travailleur. La meilleure chose qui lui soit arrivée, c’est qu’il soit parti de France. En venant ici, c’était comme une nouvelle fraicheur pour lui. On a prolongé son contrat pour deux années supplémentaires. Malheureusement pour lui, deux jours après la reprise d’avant-saison, il s’est fait les ligaments croisés. Il est passé par des moments très difficiles. 

Mentalement, comment est-il?

Quand je parle à son père, qui est un ancien international algérien de handball, il me dit que son fils a mûri très vite. Quand on sort de son confort et qu’on va vers le challenge, on apprend vite. Tout le monde l’apprécie même les seniors. S’il n’avait pas eu cette blessure, avec son potentiel, je pense qu’il aurait été toute cette saison avec l’équipe première. Marseille a perdu un joueur qu’on a gagné. 

Quel est le joueur connu qui se rapprocherait le plus du profil de Wassim?

Je le vois comme Zlatan Ibrahimovic mais en tant que gaucher. Il a cette taille.Il marque des buts. Il joue en déviation. Il est très bon techniquement. Sur les dix premiers mètres, il est très explosif. Il peut prendre n’importe qui de vitesse. 

Ne serait ce pas plutôt un mélange de Romario et d’Adriano?

Il est plus mince qu’Adriano mais c’est un bon mélange. Il a joué toute sa jeunesse comme un numéro 10. Il a cette vision du jeu et cette finesse dans le toucher de balle. Il a toujours la tête levée. Il a le sens du jeu. Je l’ai maintenant converti en avant-centre. Ce n’était pas un besoin mais c’est ce qu’il apporte de plus à l’équipe. Il a joué neuf matches et marqué sept buts différents les uns des autres.

Aujourd’hui, vous êtes à la tête des U 23. Quelles sont vos ambitions à moyen ou long termes?

J’aimerais commencer quelque part avec un bon président, un bon projet sportif.Et dans les deux ou trois années à venir, être à la tête d’une équipe première en Football League (League One, Championship ou Premier League). C’est mon prochain défi. Je suis prêt à le faire. Je n’ai pas brulé les étapes. J’ai sept ou huit joueurs qui étaient avec moi et qui jouent avec l’équipe Une.On a de nouveaux propriétaires qui viennent des Emirats. Ils ont racheté le club. Ils parlent d’un grand projet avec de vrais moyens. J’attends de voir si je vais en faire partie. 

Souhaitez vous rester en Angleterre?

Oui. Je mérite d’être là où je suis. Il n’y a pas de favoritisme, ni de piston.Cela donne de la confiance. J’ai beaucoup de contacts ici et ailleurs. Par rapport à ma famille, je suis tranquille en Angleterre. Après, il ne faut jamais dire jamais. 

Entretien réalisé par Nasser Mabrouk