Sboue Timimoun

Des les premiers jours du mois de Rabie El Aouel (mois de naissance du Prophète Mohamed) les préparatifs du Sboue (festival) de Timimoun vont bon train. En ville, les discussions ne tournent qu’autour de cette grandiose fête du Gourara instituée en l’honneur du Prophète il y a plusieurs siècles. C’est grâce au Cheikh Belgacem, qui avait une Zaouia (confrérie) à quelques encablures de Timimoun, que ce rituel fût perpétué.

Pour la région, c’est l’’événement de l’année. Des populations éloignées de cette oasis du grand erg se déplacent en nombre pour fêter la naissance du Prophète. Profusion de joie et communion sans fin rythment les retrouvailles. Durant plus d’une semaine les mosquées pleines reçoivent les visiteurs et les fidèles pour écouter et psalmodier les soixante chapitres Saint Coran. Dans tout le Gourara les mausolées des « Awaliya Salihine » sont également l’objet de visites de pèlerins venus des contrées environnantes, d’Europe et d’Afrique noire.

Coté coulisse, les familles de toutes classes et de toutes origines confondues s’attèlent à préparer la réception des nombreux invités. Le jour, les marchés grouillent de monde. Les femmes s’y pressent pour préparer leurs emplettes. Les offrandes de couscous, de pains chauds (Hassoua) et de thé sont monnaie courante. Ici les convives sont choyés et le Karam (générosité) est une règle d’or chez les nomades et les ksouriens.

En journée, place aux fantasias de chevaux racés venus du Sahara central et des Hauts Plateaux. Les spectacles se répartissent entre Djebel sboue, Massine et Timimoun.Les méharistes de Zouiet Debagh, et de Ksar Kaddour, organisent de leur coté des courses de dromadaires et des exhibitions en ville.

Sboue Timimoun

Au niveau du cérémonial, les étendards des Zaouiates et des Awliaya quittent les ksours lointains pour rallier Timimoun selon un ordre et un rituel établis depuis plus de trois siècles.Massine, le ksar mitoyen sera leur point de chute comme le veut la tradition.

Chaque soir, le rituel est le même. Jusqu’à une heure tardive la fête bat son plein. Les nuits sont consacrées à la fameuse Qasîda du cheikh El Bousseiri. Un érudit algérien originaire de Dellys et qui s’est installé il y à quatre siècles au Caire. Ce sont les « Talaba des Zaouiates » (pluriel de zaouia) qui sont chargés de déclamer ce long poème rendant hommage au Prophète Mohamed. C’est aussi l’occasion pour les chants de Hadra de Zemmar ou d’Ahalil d’égayer les longues nuits des ksours de la région.

Au petit matin du dernier jour,  les premiers chevaux parés de leur beauté attendent pour parader. Les cavaliers, impériaux dans leurs tenues d’apparat, portent avec élégance le burnous coloré et les de bottes de cuirs accrochées à des selles dorées. Ils se relaient pour offrir au public des chevauchées aussi spectaculaires les unes que les autres. La foule découvre ces hommes fiers sur leurs montures qui se donnent en spectacle et apprécient d’être sous les feux des objectifs.

A neuf heures, la représentation est bien entamée. Les coups de fusil tirés en l’air effraient les chevaux, nerveux, qui ne cessent de s’agiter dans tous les sens.A l’arrière plan, une masse impressionnante est assise ou debout autour des chanteurs de  « Melhoun », ce chant purement bédouin des Hauts-Plateaux.

Le soir venu, l’ immense cohorte de visiteurs se dirigent vers le ksar de la Zaouia. Après la grande « Fezaa », ce baroud de coups de fusil qui peut compter plus de 200 participants, les étendards sont de sortie sous les you you des femmes. Les ovations fusent également de partout.Dressés face au public, les précieuses étoffes composant la Raya de la zaouïa sont là. C’est à celui qui les touchera et les conservera jusqu’à l’année prochaine.

A à la tombée de la nuit, le ciel changeant de couleur, c’est l’occasion pour la population de revenir à pied ou en voiture vers Timimoun. Chacun se débrouille comme il peut.Toute la nuit, le Baroud tonnera dans le ciel du Gourara. Au petit matin, la cité étire sa torpeur. Seul le muezzin est fidèle au poste pour effectuer son adhan ( appel à la prière) du Sobh.

Mohamed Bourad