Bilal Atia est un jeune algérien plein d’énergie. Auteur de quelques court-métrages, le réalisateur vient de lancer le projet Nediro El Cilima, une plateforme d’entraide entre les professionnels et les amateurs intéressés par l’univers du cinéma. L’Algérois de 28 ans a accepté de nous expliquer en détail son initiative.

Vous êtes un jeune réalisateur. Pouvez vous nous en dire un peu plus sur les réalisations que vous avez déjà produites ?

Atia Bilal : Le premier court, je l’ai réalisé avec mon binôme dans le cadre des études à l’Institut d’Audiovisuel. On a choisi de faire un film de six minutes sur les dangers de la route. Le deuxième film – auto-produit – se nomme Fella. Il traite de la thématique du viol. Il apporte un témoignage qui questionne la société. Je n’ai pas eu envie de le montrer au cinéma mais de le diffuser sur Youtube pour le grand public puisque c’est un  film destiné à tous les algériens.Je dois encore finir le mixage. J’aimerais profiter de la journée internationale contre le viol (le 25 novembre) pour le montrer et sensibiliser les Algériens à cette problématique. Le troisième film est un documentaire qui s’intitule, le monde selon Hala. Il traite de la vie de Hala Chaima, une jeune Oranaise, aventurière et écologiste. Elle essaie de d’apporter une touche artistique par rapport à l’écologie. On a essayé de traiter sa vision artistique. Contempler la nature est un art. Ce film a été réalisé et produit dans le cadre de la résidence d’écriture documentaire de l’association La Grande Maison Derb cinema de Tlemcen. C’est là bas que j’ai appris à faire du documentaire.

Vous avez constaté la difficulté de pouvoir tourner des films en Algérie quand on a pas de réseaux. Vous avez donc créé Nediro El Cilima. Quelle plateforme est-ce?

C’est une plateforme dédiée pour faire des films indépendants avec de jeunes cinéastes ou auteurs algériens. Elle a pour but de produire leurs court- métrages qui parlent de l’identité algérienne. Le concept est de réunir des techniciens et des comédiens et producteurs qui veulent contribuer au développement du cinéma avec leurs temps, énergie et leurs savoir-faire . Il y a aujourd’hui beaucoup d’Algériens (Rami Aloui, Nadjib Lamraoui, Khaled Bouneb, Abala,smail lif…) qui travaillent seuls dans leur coin pour faire leurs films et qui ont réussi à faire des court-métrages internationaux avec zéro budget. Ce qui fait défaut, c’est la communication entre toutes ces personnes. Il manque des lieux pour échanger, partager et faire naitre des projets. Nediro El Cilima est destiné à créer ce lien, par ce réseau. on veut encourager les personnes qui hésitent à franchir le pas et montrer qu’on peut faire une production de qualité avec zéro moyen.  

L’idée, c’est aussi de faire évoluer les compétences en donnant la possibilité à un cadreur par exemple de devenir directeur de la photo sur un tournage si il en a les compétences. Nous proposons en quelque sorte une formation pratique et technique où ils vont apprendre sur le tas. En parallèle, on a lancé un premier appel à scénario pour ceux qui veulent voir leurs écrits se transformer en film. On ne cherche pas un scénario déjà bien ficelé mais des histoires à développer, de nouvelles visions. Un peu plus tard, on proposera des ateliers pratiques liés au cinéma.

Sous quelle forme vous êtes vous organisé au niveau de votre plateforme?

Pour le moment, nous sommes un réseau collaboratif de 70 personnes (producteur, réalisateur, scénariste, monteur….). Il y a des personnes qui sont en France, au Maroc ou en Tunisie qui ont proposé leurs services. Le groupe a vocation a être un point de référence.Nous n’avons pas encore choisi la structure. On est un mouvement.Pour le moment, on a une page Facebook où on partage des informations, des opportunités de formation, des appels à projet. On a aussi un compte Instagram. Il y a un site internet en cours de création.

Vous parliez de faire des films indépendants. Comment définiriez ce genre de productions?

C’est un film auquel on croit et qui dispose de peu de moyens. C’est une œuvre qui n’est pas influencée par l’idéologie des bailleurs de fonds.

Vous avez récemment lancé un appel à scénario. Pouvez vous nous en parler?

On a reçu pas mal de scénarios. Une vingtaine en tout provenant de personnes amateurs d’écriture et des professionnels. Cela a permis d’apporter de la diversité dans les projets mais pour cette première initiative. Nous avons décidé de ne miser que sur un seul scénario.

Avez vous reçu des soutiens du ministère ou de gens bien établis dans le milieu?

Certaines personnes du milieu cinématographique nous ont facilité la tâche concernant la paperasse administrative. Il y a une agence de casting qui nous a offert leurs services ou des producteurs qui nous ont proposé du matériel pour le tournage. 

Quels sont les axes de développement que vous souhaitez mettre en place à l’avenir?

On souhaite que ce soit un projet qui permette de faire évoluer le cinéma algérien et qui porte la voix de l’Algérie à l’international. On veut créer un  solide réseau pour produire des films indépendants. L’idée, c’est aussi de faire comprendre ce que c’est qu’un film indépendant. On peut faire un film avec zéro moyen, tout simplement par amour du métier. Le dévouement, c’est le secret de la réussite. On vise davantage une diffusion à l’international et national à travers les festivals. On veut faire des films qui portent une histoire universelle avec une identité algérienne sans être moralisateurs ni tomber dans les clichés. On est là pour partager une culture qui est diverse. Le cinéma algérien a de l’avenir.

Entretien réalisé par Nasser Mabrouk