Le Président de la république algérienne, Abdelmadjid Tebboune a accordé une interview au magazine français Le Point. Dans cet entretien, réalisé par l’écrivain Kamel Daoud et le journaliste Adène Meddi, le chef de l’Etat dit vouloir « remettre sur pied l’Algérie » en s’appuyant « sur le peuple et la jeunesse ». Morceaux choisis :

« En 2017, j’étais déjà convaincu que l’Algérie allait droit dans le mur.. on ressemblait de plus en plus à une république bananière, où tout se décidait dans une villa sur les hauteurs d’Alger…Il n’y avait plus d’institutions viables, seuls comptaient les intérêts d’un groupe issu de la kleptocratie. Il fallait donc reconstruire la république, avec ce que cela implique comme institutions démocratiques ».

« La justice a pris tout son temps pour juger ceux qui ont indûment touché à l’argent public, on n’accuse personne à la légère ». 

« La bureaucratie est notre ennemi commun…il est vrai que nous avons une économie sous-développée et désarticulée, tournée vers l’importation, sans aucun échange intersectoriel. Ce que nous voulons, c’est construire une économie dans laquelle les besoins de notre pays soient satisfaits par notre propre production ».

« Je n’ai pas été le candidat d’un parti mais celui du peuple et de la jeunesse, deux piliers sur lesquels je compte beaucoup ».

« …je ne dis pas que je ne crois pas en la classe politique, mais elle représente peu de chose par rapport à un peuple. Tous les partis réunis ne totalisent pas 800 000 militants , alors que nous sommes près de 45 millions d’Algériens »

« Ce que j’observe à travers le pays ne dit pas que les Algériens, dans leur majorité, sont opposés aux élections législatives. Je sais qu’il y a un engouement notamment chez les jeunes, alors que tout récemment, ils ne s’inscrivaient même pas sur les listes électorales ».

« Le seul Hirak auquel je crois est le Hirak authentique et béni qui a spontanément rassemblé des millions d’Algériens. Ce Hirak a choisi la voie de la raison en allant à l’élection présidentielle. Il n’a pas écouté le chant des sirènes qui le poussait à aller vers une période transitoire, et dix millions d’Algériens sont allés voter. Je pense que tout Algérien a le droit de s’exprimer mais je refuse le diktat d’une minorité ». 

« Le poids de l’armée est une réalité positive. Si nous n’avions pas une armée aussi moderne et aussi professionnelle, la situation en Algérie serait pire qu’en Libye ou en Syrie »

« Si nous avons fermé les frontières, ce n’est pas pour sanctionner la population, mais pour la protéger…si la situation se dégrade, nous refermerons ». 

« Si nous n’arrivons pas à jeter des passerelles solides entre les deux pays sous la présidence Macron, cela ne se fera jamais et nos pays garderont toujours une haine mutuelle. Les relations ne se construisent pas de souverain à suzerain mais d’égal à égal » 

« La rupture avec le Maroc – et je parle de la monarchie, pas du peuple marocain, que nous estimons – remonte à tellement longtemps qu’elle s’est banalisée. Le Maroc a toujours été l’agresseur. Nous n’agresserons jamais notre voisin. Nous riposterons si nous sommes attaqués. Mais je doute que le Maroc s’y essaie, les rapports de force étant ce qu’ils sont » 

« Le Sahara occidental a toujours été une pomme de discorde mais pas un casus belli.Le Maroc devrait opter pour la raison : son ennemi, comme pour l’Algérie, c’est le sous développement ».

« Chaque pays est libre de normaliser ses relations avec Israel, mais l’Algérie ne le fera pas tant qu’il n’y aura pas d’Etat palestinien ».

Amale Hoummati