Amel Melih Natation 50 m
© crédit photo/ page Facebook d’Amel Melih

Marraine de l’association lyonnaise Ouhlala et étudiante en droit notarial (Master 2), Amel Melih est aussi une nageuse qui va de plus en plus vite. A 27 ans, la Lyonnaise a décroché son ticket pour les Jeux Olympiques de Tokyo, cet été, en battant deux fois consécutivement le record d’Algérie sur 50 mètre nage libre (25 secondes et 36 centièmes). L’athlète, qui est fière de porter haut les couleurs nationales, a accepté pour dzairworld.com de nous parler de sa discipline et de ses objectifs futurs. Entretien avec un talent !

Vous avez enfin décrocher votre billet pour les Jeux Olympiques en réalisant par deux fois les minimas sur 50 m nage libre. Que s’est-il passé dans votre cerveau quand vous avez vu le chrono s’afficher (25 secondes et 36 centièmes)?

Amel Melih : J’étais choquée. Je n’en revenais pas. Je savais pourtant que j’en avais largement les moyens. La course s’est bien passée mais dans le dernier mouvement, avant de toucher le mur, j’aurais dû rajouter un peu de bras pour arriver plus vite. Dans ma tête, je pensais que j’étais passée à coté pour pas grand chose. Après le choc, ce fut une joie immense, puis les pleurs.L’émotion a vite resurgi. 

Le record d’Algérie aurait pu donc être battu plus largement…

Oui. Je reste persuadée que je nagerai plus vite dans les prochaines semaines. 

Avez senti que vous réalisiez une potentielle performance ?

Cela va trop vite pour pouvoir y penser. C’est du sprint. Si on commence à réfléchir à notre ressenti, à être trop focus sur de mauvaises choses, c’est qu’on a déjà perdu du temps. Je sentais que j’avais de la puissance, de la hauteur dans la nage. Il fallait rester concentré sur la technique plutôt que sur le chrono.

Vous avez rebattu le record national début mai (25:38’). Vous deviez refaire un chrono identique ou inférieur – avant fin juin – pour vous qualifier pour les JO. A combien de courses étiez-vous encore inscrite pour valider votre qualification à Tokyo?

J’avais prévu la compétition au Canet, les championnats de France à Chartres dans 10 jours et en dernier recours une sortie en Italie. On avait l’espoir de le faire avant fin juin car c’est quand même une pression de se dire que c’est ma dernière chance. On a vraiment axé la préparation sur le Canet en Roussillon. C’est passé. Cela m’a enlevé un bon poids.

La natation a-t-elle toujours été une passion pour vous?

Pas du tout. J’ai commencé à l’âge de 4 ans.J’ai un frère et deux soeurs qui faisaient déjà de la natation. Pendant les vacances en Algérie, on allait à la plage tous les jours. Nos parents voulaient qu’on apprenne à nager. Je n’aimais pas cela. Quand on est petit, ce n’est pas très ludique comme peuvent l’être le basket ou le football qui sont des sports d’équipe. En plus, je n’étais vraiment pas douée. Petit à petit, je me suis accrochée. Je suis tombée sur le bon entraineur et au bon moment.Aujourd’hui, c’est vraiment ma passion. 

Amel Melih Natation
© crédit photo/ page Facebook d’Amel Melih

Vous détenez les records d’Algérie du 50 m et 100 m crawl et du 50 m et 100 m dos, du 50 m papillon en bassin de 25 et 50m.Y a t-il une nage que vous préférez?

J’aime toutes les nages mais le crawl est devenu ma spécialité. J’ai aussi l’habitude d’être alignée sur du sprint en dos et en papillon. Cette année, on a fait le choix de ne se concentrer que sur le 50 m crawl. C’est la seule course en 50 m qu’il y a aux J.O. 

Nage-t-on différemment suivant la longueur du bassin? 

Oui. En bassin de 25m la théorie veut qu’on nage plus vite parce qu’il y a un virage et deux coulées.On est plus rapide sous l’eau qu’en dehors de l’eau. Je ne vois pas de différence en ce qui me concerne. La coulée n’est pas un point fort chez moi.J’ai hâte de nager en bassin de 25 m bientôt car je sais que je vais nager plus vite par rapport à ces dernières années.

Pouvez-vous nous décrire la semaine type d’une nageuse?

Je nage une fois à deux fois par jour, en fonction des semaines, à raison d’une heure et demie à deux heures par séance. J’ai également trois séances de préparation physique dans la semaine.En dehors de cela, je m’occupe de ma récupération. Je mange et dors bien. Je fais des bains froids et de la cryothérapie (ndlr, récupération physique grâce au froid). En outre, je suis assez autonome. Je fais des auto-massages, des étirements…J’y attache beaucoup d’importance en dehors des bassins.

On sait que le sport de haut niveau nécessite des moyens pour bien se préparer. Est ce que la pratique de la natation est coûteuse?

Oui, en termes de matériel d’entrainement, de compléments alimentaires, de séances chez le Kinésithérapeute, l’Ostéopathe ou le podologue suivant les blessures. Je ne me suis jamais posé la question du budget mais je dirais que cela peut couter entre 300 et 400 euros par mois. Nutriting, Feed, Nabaiji et Nage libre m’accompagnent déjà mais je suis à la recherche de sponsors.

Amel Melih Natation Algérie
© crédit photo/ page Facebook d’Amel Melih

Vous parliez de bobos, quels sont-ils être pour une nageuse?

En général, les nageurs ont des épaules solides et fragiles à la fois étant donné qu’on les emmène dans des amplitudes qui sont extrêmes.Cela peut être des douleurs sur l’avant de l’épaule, des contractures ou des inflammations. Pour ma part, c’est sur le haut du corps. 

Vous avez écrit sur votre page Facebook que le chemin a été semé d’embuches. Pouvez-vous développer?

Je suis dans le petit club de Saint Priest. On n’a pas beaucoup de moyens. J’achète mes propres combinaisons. Ce ne sont pas des structures comme à Marseille ou à Nice qui sont les meilleurs clubs de France. On laisse aussi les gens tels qu’ils sont. On ne cherche pas à nous mettre dans des cases.J’aime l’esprit familial. J’ai besoin de cela pour performer. C’est la raison pour laquelle, je ne me suis jamais orientée vers des gros clubs.J’ai tenté. L’expérience ne m’a pas plus. A Saint Priest, je suis bien dans ma tête et dans mon corps.

Etes-vous sollicitée par ces grosses structures?

Oui.Cela fait toujours plaisir mais j’ai toujours décliné les propositions. Je suis bien là où je suis.Je pense avoir trouvé mon équilibre. Je suis heureuse. Je ne vois pas pourquoi je changerais. 

Votre frère Sélim est aussi votre entraineur? Avantages et inconvénients de travailler avec un membre de sa famille?

Il me connait parfaitement bien. Nous sommes très fusionnels. Il lit sur mon visage quand cela ne va pas à l’entrainement ou en compétition.Il a énormément confiance en moi. Il est aussi très dur avec moi. Il l’est même presque plus qu’avec mes collègues d’entrainement. Plus il va m’en demander, plus je vais aimer cela. C’est pour cette raison qu’à 27 ans, je n’ai jamais nagé aussi vite. Je n’ai jamais fait des séances aussi dures que ces derniers mois. Derrière, en compétition, cela parait tranquille.

© crédit photo/ page Facebook d’Amel Melih

 Les JO approchent à grands pas. Allez vous adopter un programme spécifique de préparation?

Je pense qu’on va aller faire un stage de 10 jours dans le sud de la France. On va travailler dur jusqu’aux Jeux. Il y a les championnats de France dans 10 jours à Chartres (du 15 au 20 juin). On ne va pas relâcher. On veut être préparés pour les JO.

Ce seront vos premiers Jeux. Dans quel état d’esprit êtes vous ?

J’avais déjà fait les JO de la Jeunesse, en 2010. C’est un rêve qui se réalise. C’est une fierté immense de représenter l’Algérie dans des compétitions comme les championnats d’Afrique ou arabes. Je ne peux pas être plus fière que de représenter mon pays au plus haut niveau.Je veux y aller sans pression. J’ai envie de tout arracher là bas.

Avez vous déjà été approchée par la fédération française de natation?

Jamais. Quand bien même cela aurait été le cas, c’était tout tracé dans ma tête. J’ai toujours été en admiration devant les joueurs de l’équipe de football. Représenter l’Algérie, c’est la plus belle chose qui me soit arrivée dans ma vie. Ce n’est pas arrivé par hasard. J’ai travaillé comme une folle. Aujourd’hui, c’est ma plus grande fierté. C’est un choix du coeur. 

Par rapport aux compétitions nationales, qu’est-ce qui fera la différence aux JO?

Etre avec des athlètes olympiques de mon pays, c’est déjà quelque chose. Je sais que l’ambiance de la compétition va me transcender. Cela va me pousser vers le haut. Je n’ai rien à perdre. Je veux vraiment faire les meilleurs course et classement possibles.

Avez vous prévu de travailler l’aspect mental avant d’aborder ce grand rendez vous?

Je n’y ai pas encore réfléchi. Je suis encore dans l’euphorie. J’ai encore du mal à réaliser.Je vais en parler avec Sélim. Il a toujours les bons conseils et les bons mots. Il sait comment me parler. Au Canet en Roussillon, il était avec moi en chambre d’appels jusqu’à 5 minutes avant ma course. Je vais essayer de mettre toutes les chances de mon coté pour être bien.

Sur quelles courses serez vous engagée?

Sur 50 m et 100 m nages libres. 

Quel serait un bon résultat à Tokyo ?

Début mai j’ai nagé 56 secondes et 90 centièmes. Je suis la première algérienne à avoir nagé sous les 57 secondes.C’est très loin de ce que je peux faire.Je me suis concentrée jusqu’à présent sur le 50 mais les prochaines compétitions, je serai sur 100m. Mon objectif, c’est d’être sous les 56 secondes parce c’est ce que je vaux. Je ne me fixe que des objectifs chronométriques pour le moment. Il faut que je sois d’abord concentrée sur la façon de casser la barre des 56 secondes.

Entretien réalisé par Nasser Mabrouk