La Banque Mondiale (BM) a rendu public une étude sur la situation économique de l’Algérie depuis le déclenchement de l’épidémie de la Covid-19. Intitulé Rapport de suivi de la situation économique, redresser l’économie algérienne après la pandémie, le document – publié à l’automne 2021 – vise à rendre compte « des principales évolutions et politiques économiques récentes », écrit l’institution financière. Alors que les conclusions du rapport suscitent quelques incompréhensions du coté d’Alger, la BM mondiale indique dans son préambule qu’elle « ne garantit pas l’exactitude des données citées dans cet ouvrage ». Elle ajoute que « les constatations, interprétations et conclusions exprimées dans ce rapport sont celles du personnel de la Banque mondiale et ne reflètent pas nécessairement les vues du Conseil d’administration de la Banque mondiale ou des pays que celui-ci représente », avant de remercier « particulièrement » le Ministère des Finances de l’Algérie « pour ses commentaires sur le rapport avant la publication ». Morceaux choisis :

Evolutions économiques récentes

– Le secteur des hydrocarbures en Algérie a connu un net redressement en 2021, les quotas de production de pétrole brut de l’OPEP+ ayant augmenté et la demande européenne de gaz algérien ayant bondi. 

– En revanche la reprise dans le segment hors hydrocarbures de l’économie s’est essoufflée au 1er semestre 2021, demeurant largement incomplète.

– Les indicateurs du marché du travail sur les deuxième et troisième trimestres indiquent une sortie progressive de la récession induite par la COVID-19. 

– Le déficit du compte courant s’est résorbé au 1er semestre de 2021, alors que les exportations ont grimpé en flèche et que la croissance des importations est restée atone, aidé par une amélioration des termes de l’échange en Algérie. En 2021, le fort rebond des recettes des hydrocarbures compense la faiblesse des recettes fiscales et finance la relance de l’investissement public.

– La dette publique explose en 2021, alors que le Trésor met en œuvre un programme massif de rachat de créances pour soutenir le secteur public. 

– En parallèle, et malgré une politique monétaire accommodante, la croissance du crédit reste atone.

– Une récolte décevante, les efforts de rationalisation des subventions et la dépréciation de la monnaie nationale contribuent à une hausse marquée de l’inflation (+9,2% en octobre 2021).

Perspectives et risques

– Selon nos prévisions, la croissance du PIB réel atteindra 4,1 % en 2021, puis diminuera progressivement à moyen terme. 

– Le solde du compte courant devrait s’améliorer nettement en 2021 et 2022 avec le pic des exportations d’hydrocarbures, mais se détériorer ensuite. 

– Le déficit budgétaire global devrait s’améliorer en 2021, mais il devrait se dégrader lentement par la suite dans un contexte de diminution attendue des recettes pétrolières et de rebond des dépenses publiques. 

– La politique monétaire visera à équilibrer la nécessité de financer la reprise et le déficit public tout en maîtrisant la montée des pressions inflationnistes.

– La mise en œuvre effective du vaste programme de réforme favorisera la transition vers une trajectoire de croissance durable. 

– Le pays reste toujours dépendant des recettes des hydrocarbures, et sa marge de manœuvre s’est réduit.

– Des recettes en devises inférieures aux attentes en raison d’une demande en hydrocarbures et de prix inférieurs aux attentes.

– Des progrès insuffisants dans la mise en œuvre des réformes structurelles et des politiques en faveur d’une reprise durable dans le secteur privé pourraient menacer la croissance et retarder la transformation structurelle de l’économie algérienne qui l’éloignerait de sa dépendance vis-à-vis des recettes des hydrocarbures. 

Evolution de la pauvreté non monétaires et des inégalités en Algérie

– L’indicateur de la pauvreté multidimensionnelle s’est amélioré en Algérie entre 2013 et 2019, traduisant des progrès dans toutes ses dimensions : éducation, santé et conditions de vie. Bien que l’Algérie affiche des résultats honorables dans la région MENA, et malgré des améliorations notables, la pauvreté multidimensionnelle varie considérablement selon les régions et entre les zones rurales et urbaines.

– Le taux de pauvreté multidimensionnelle (IPM) en Algérie est passé de 2,1 à 1,4 % entre 2013 et 2019. 

– Il y a eu une convergence de l’IPM entre les régions, mais des différences importantes subsistent. 

– Des améliorations ont été enregistrées dans les trois dimensions de la pauvreté non monétaire, et le niveau de privation global est de plus en plus lié à l’éducation et à la santé. 

– Des indicateurs complémentaires corroborent le constat que la pauvreté multidimensionnelle a diminué

– Le nombre d’enfants ayant reçu une instruction dans la petite enfance a augmenté au fil des ans, mais certaines régions ont fait des progrès négligeables. 

– Le taux d’achèvement des études secondaires en Algérie s’est considérablement amélioré entre 2013 et 2019, mais des écarts subsistent entre les régions et entre les zones rurales et urbaines.

– Le taux de mortalité des moins de 5 ans en Algérie a diminué, mais la mortalité infantile dans la région Sud est bien supérieure au niveau national.

– La prévalence globale des Maladies Non Transmissibles (MNT) s’est aggravée, avec 52 % des ménages déclarant compter au moins une personne atteinte d’une maladie chronique. 

– Le taux de possession d’une voiture a augmenté, et les Algériens vivent aujourd’hui dans des logements moins exigus, mais la connectivité Internet reste toujours à la traîne. 

– Même si l’Algérie a connu un ralentissement de la croissance au cours des cinq dernières années, elle a fait des efforts persistants pour améliorer le quotidien de sa population. 

Résilience de l’Algérie face aux risques climatiques et de catastrophe naturelle.

– Tout le territoire algérien est exposé à un large éventail de risques climatiques et géologiques — inondations, tremblements de terre, sécheresse, incendies de forêt, érosion côtière et des sols, etc. —, notamment dans les zones urbaines, qui affichent une croissance démographique rapide et concentrent une part importante de l’activité économique. Les inondations sont les catastrophes les plus fréquentes en Algérie, mais les pertes économiques les plus importantes ont été causées par les tremblements de terre.

– L’Algérie a subi cette année de nombreuses catastrophes climatiques, dont les crues subites qui ont touché fin octobre la capitale du pays, Alger.

– L’Algérie est exposée à de nombreux risques de catastrophes naturelles, dont les plus importantes sont les inondations, les tremblements de terre et les sécheresses. 

– Le changement climatique (CC) participera à exacerber la variabilité des conditions hydrométéorologiques.

– Entre 1954 et 2021, les inondations ont représenté 60% des événements catastrophiques en Algérie, impactant plus de 800 000 personnes sur l’ensemble du territoire, et représentant plus de 1,5 milliard USD de pertes économiques.

– Le nord de l’Algérie est sujet à de forts épisodes sismiques qui ont causé 6 771 décès et plus de 10 milliards USD de pertes économiques31entre 1954 et 2021.

– Concernant les incendies de forêt, plus de 99 % des zones boisées d’Algérie sont confrontées à un risque d’incendie moyen ou élevé. 

– Les zones urbaines sont particulièrement exposées aux catastrophes naturelles. 86 % de la population vivait en 2008 dans les villes et la population urbaine devrait doubler d’ici 2030.

– Alger, la capitale, est particulièrement vulnérable aux risques climatiques, en particulier les tremblements de terre et les inondations, et aux impacts des changements climatiques en raison de sa forte densité de population, de son taux d’urbanisation élevé et de sa situation géographique

– L’Algérie dispose d’un cadre juridique moderne de gestion des risques de catastrophes (GRC), mais la coordination interministérielle de la GRC reste relativement ponctuelle et essentiellement axée sur la coordination de crise plutôt que sur la prévention ou le relèvement.

– Il existe une grande quantité de données sur les risques climatiques et de catastrophe, mais des lacunes subsistent en termes de normalisation et de partage de l’information.

– Le gouvernement algérien a accompli des efforts importants en termes de réduction des risques. 

– L’Algérie possède de bonnes capacités dans ses services hydrométéorologiques et climatiques ainsi que dans ses systèmes d’alerte précoce (SAP). 

– Le cadre juridique ne définit pas les responsabilités des différentes parties prenantes dans les domaines de la planification ex ante, de la coordination et de la mise en œuvre des processus de relèvement post-catastrophe.

– L’Algérie dispose d’un cadre décisionnel clair en matière d’intervention d’urgence.

– Le financement et l’assurance des risques, les dépenses ex ante en cas de catastrophe restent faibles par rapport à celles allouées à la réponse et à la reconstruction.

Mansouria Fodeili

Rapport de la Banque Mondiale => https://bit.ly/3mCGvPm