Emmanuel Macron reçoit les associations des rapatriés d'Algérie

Emmanuel Macron a reçu mercredi après-midi, au palais de l’Elysée, des représentants d’associations de rapatriés d’Algérie. L’occasion pour le chef de l’Etat français de reconnaitre les souffrances du million de « pieds-noirs » qui a choisi de quitter l’Algérie et de s’exiler en France après la signature des accords d’Evian, le 19 mars 1962. Morceaux choisis :

 « J’ai souhaité ici au palais de la république que vos voix soient rassemblées pour transmettre cette mémoire, pour dire l’attachement de la France aux rapatriés et à leurs familles. Et pour continuer de cheminer sur la voie de l’apaisement des mémoires blessées de la guerre d’Algérie, et pour poser avec vous un premier jalon des commémorations du 60ème anniversaire de 1962 qui marque la fin du conflit mais ni celles des résonances dans l’histoire, ni celles de ses souffrances dans la société ».

« Votre arrachement à cette terre fut une peine inconsolable.L’exode contraint et subi de ces Français nés dans cette France de l’autre coté de la Méditerranée et pris dans la tourmente de la guerre. Puis l’exil, déracinés au sein de leur propre patrie ».

« L’histoire des rapatriés d’Algérie est donc celle de la France. Elle reste hélas méconnue des Françaises et des Français. Pourtant l’exode de 1962 est une page tragique de notre récit national aux prémices lointaines et aux conséquences profondes. Inédit par son ampleur, sa soudaineté, son impréparation, sa brutalité.En quelques mois, près d’un million de personnes, femmes, hommes, enfants sont passées d’une rive à l’autre ».

« Les Européens d’Algérie formaient une mosaïque. Un brassage de nationalités, de cultures, d’obédiences et de caractères. Certains qui se bardaient de supériorité et d’autres qui s’ouvraient à la différence. Un peuple de commerçants, d’artisans, de fonctionnaires, d’enseignants, d’agriculteurs… et la plupart partageaient leur quotidien avec les populations arabes ou berbères même si la république ne les avait pas reconnus égaux ». 

« Les accords d’Evian actaient la cessation des hostilités, l’interdiction des violences individuelles et collectives, la garantie de la sécurité des personnes et des biens des Français d’Algérie.Mais il n’en fut pas ainsi. Et nous savons l’ambivalence de cette date, victoire et soulagement pour certains, défaite et calvaire pour d’autres. La suite, ce fut notamment la fusillade de la rue d’Isly, le 26 mars 1962. Ce jour là, des soldats du 4ème régiment des tirailleurs, une unité de l’armée française, firent feu sur une foule qui manifestait, attisée par l’OAS son attachement à l’Algérie française en cherchant à rompre le blocus du quartier de Bab el Oued ». 

« Ce qui devait être une opération de maintien de l’ordre s’acheva pas un massacre. Un massacre dont aucune liste définitive ne fut établie, qui fit des dizaines de tués et des centaines de blessés. Le choc fut immense pour les citoyens qui se croyaient auparavant protégés par l’armée française, ce sentiment d’avoir été trahis par leur propre pays ». 

« En métropole, le drame fut placée sous silence. 60 ans après, la France reconnait cette tragédie. Je le dis aujourd’hui, haut et clair. Ce massacre du 26 mars 1962 est impardonnable pour la république. Toutes les archives françaises sur cette tragédie pourront être consultées et étudiées librement ». 

« S’ensuivit….une surenchère atroce d’insécurité, de violence de part et d’autre, d’attentats et d’assassinats qui mit l’Algérie à feu et à sang. Ce cycle infernal d’attaques, de vengeance faucha sa moisson de morts. Des Français mais aussi des Algériens, et des Algériens musulmans.Ils furent plusieurs milliers alors à disparaitre à jamais ». 

« Cette engrenage mortifère de la guerre civile conduisit au drame du 5 juillet 1962 à Oran où des centaines d’Européens, essentiellement des Français, furent massacrés comme le furent ensuite nombreux d’autres et des dizaines de milliers de harkis. Ce massacre lui aussi doit être regardé en face et reconnu. La vérité doit être de mise et l’histoire transmise ». 

« La plupart des rapatriés se sont heurtés à l’indifférence quand ce n’était pas aux préjugés ou à la méfiance. Souvent vous n’avez été ni compris, ni acceptés. Et vous ne l’avez pas oublié, ni vos enfants, ni vos petits enfants. Devenus persona non grata en Algérie, vous avez eu le sentiment d’être des indésirables en France ». 

« Les rapatriés d’Algérie ont su s’adapter et rebondir, faire profiter la nation de leurs compétences, de leurs talents, de leurs cultures. La France s’est enrichie, embellie de vos talents et de vos dons ».

« Il y a 60 ans les rapatriés d’Algérie ne furent pas écoutés. Un discours ne règle pas soixante années d’injustice. Mais j’ai voulu aujourd’hui que ces quelques mots viennent apporter la reconnaissance sur des drames quant auxquels la république ne s’était jamais exprimée. La voie que nous empruntons ensemble est celle de l’honneur et de l’espérance pour les rapatriés, pour leur famille. A eux, à vous qui n’avez jamais cessé d’être fiers tout simplement d’être Français ».

Amale Hoummati