Xavier Driencourt ancienne ambassadeur de France en Algérie

La France doit avoir une position beaucoup « moins timorée » vis à vis d’Alger tout en construisant une relation « équilibrée » avec son ancienne colonie, a indiqué dans un entretien à l’AFP, l ’ancien ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt.

« Les Algériens ne comprennent que le rapport de force. Il faut que nous aussi on ait un discours qui soit plus clair », a déclaré d’emblée M Driencourt à l’AFP, à l’occasion de la sortie de son livre « L’énigme algérienne », une analyse de ses huit années passées à Alger. 

Le diplomate français a été en poste en Algérie à deux reprises (2008-12 et 2017-20), notamment pendant le mouvement populaire et pacifiste du Hirak qui a amené l’ancien président de la république, Abdelaziz Bouteflika, à quitter – en 2019 – définitivement la scène politique après 20 ans de règne. 

« Dans le fond, les Algériens ont fait le choix de la Chine. Nous, ils nous mènent en bateau. Il n’y a qu’une chose qui les intéresse dans la relation avec la France, ce sont les visas », affirme péremptoirement l’ambassadeur.

La France est « paralysée » vis-à-vis d’Alger, poursuit-il, de peur de « fâcher », de subir des « mesures de rétorsion » et de perdre l’attention « d’un acteur clé pour la sécurité au Sahel et la lutte contre l’immigration clandestine », explique-t-il.

Et d’ajouter :  « Il faut qu’on ait une position moins timorée, beaucoup plus forte. Nous avons trop souvent tendu l’autre joue après avoir reçu une gifle ».

Selon lui, les responsables français n’ont pas de stratégie dans la relation bilatérale parce, précise-t-il, « l’Algérie c’est autant de la diplomatie que de la politique intérieure ».

En cause les intérêts opposés entre les aspirations des pieds-noirs, dont les convictions épousent souvent les thèses de l’extrême droite, et celles des citoyens issus de l’immigration algérienne qui restent attachés à leur pays d’origine.

« Du coup, on est conduit à avoir une gestion toujours minimaliste. Pendant la crise du Hirak, on a trouvé cette formule miraculeuse « ni ingérence ni indifférence » parce que c’était ce qui nous gênait le moins. C’est difficile dans ce contexte-là d’avoir une relation équilibrée », déplore M Driencourt.

Dans son interview, le haut fonctionnaire révèle que Paris a proposé que le Tour de France 2022 parte d’Alger ou que le modèle de l’Ecole 42 de Xavier Niel, une structure de formation des jeunes au codage informatique, soit créée dans la capitale algérienne. 

« Ces gens ne se réunissent pas concrètement autour d’une table avec un ordre du jour et un relevé de décisions. C’est quelque chose d’insaisissable », s’interroge Xavier Driencourt qui pointe aussi du doigt l’opacité de ses anciens interlocuteurs : « Nos interlocuteurs nous disaient « c’est bon » et puis ça s’est arrêté et on n’a jamais eu d’explications (..) Il y a un deus ex machina derrière qui a dit « non ». 

En outre, il s’inquiète de l’arrivée prochaine, à la tête de l’institution militaire, d’une génération « formée dans l’URSS brejnevienne » et qui est « plus arabophone », et dans le futur d’éléments davantage tournés « vers les pays du Golfe, l’Egypte ». 

« Ils ne nous seront pas forcément plus favorables », anticipe amer le diplomate français.

Mansouria Fodeili