© crédit photo/ PACTE
Dans cette deuxième partie, Madame Oumelkheir Fellague revient sur l’après midi littéraire organisée par PACTE autour d’Albert Camus. Elle évoque aussi le combat de son association pour la sauvegarde et la valorisation du patrimoine de Laghouat.
Vous avez récemment organisé une rencontre autour d’Albert Camus. Quelle en était la thématique?
Fellague Oumelkheir : La rencontre avait pour thématique « Balade littéraire sur les traces de Camus ». En partenariat avec le musée communal de Laghouat, et dans le cadre des conférences organisées par l’Institut français d’Alger, nous avons lu des textes de l’auteur. Agnès Spiquel, Présidente de la société des études cambriennes, nous a fait l’honneur de réinterpréter les écrits d’Albert Camus.
Quel est le rapport entre Camus et Laghouat?
Le rapport entre Camus et Laghouat est la nouvelle « La femme adultère » qui ouvre son livre « L’exil et le royaume » publié en 1957. Lors de sa visite à Laghouat en décembre 1952, Albert Camus est un homme blessé qui a besoin de solitude. Il descend dans le Sud dans une sorte de retraite.Il en a besoin à ce moment là de sa vie.« La femme adultère » n’est finalement qu’une expérience spirituelle qu’il prête au personnage de Janine. Il imagine la vie libre que représente le désert, mais d’un point de vue féminin. Etant agnostique Camus ne croit pas en Dieu mais il a le sens du sacré. C’est justement cette expérience du sacré qu’il a faite à Laghouat.
Dans quel lieu s’est déroulé cette échange?
Toutes les rencontres que nous organisons se déroulent au Musée communal de Laghouat. Nous aimons appeler ce lieu « notre temple ». C’est le rendez-vous incontournable de tous les intellectuels de la ville et le siège de notre association. Il a été Construit en 1900 dans un style architectural néo-byzantin. Cette église Saint Hilarion est située au milieu du vieux ksar. Elle appartenait au diocèse du Sahara jusqu’en 1978. Elle a ensuite été transformée en bibliothèque jusqu’en 2004. A partir de 2005, elle est devenue le Musée communal que tout le monde connait aujourd’hui. C’est un lieu authentique et chargé d’histoire. Il dégage une aura à nul autre pareil. Nos invités tombent à chaque fois sous son charme et finissent toujours à l’instar de madame Agnés Spiquel par y revenir un jour ou l’autre.
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Dans le public, on peut remarquer un nombre important de personnes d’un certain âge. Est il difficile d’intéresser la jeune génération à la Culture?
Il est vrai que nous avons dans notre public une majorité de personnes d’un certain âge. Il ne faut cependant pas négliger les jeunes dont le nombre croît de manière considérable à chaque manifestation. Nous mettons un point d’honneur à respecter nos engagements pour atteindre nos objectifs dont le but est de familiariser nos jeunes avec les aspects nouveaux de la Culture : donner plus de visibilité aux arts et aux artistes, rapprocher les auteurs de leurs lecteurs, encourager la lecture, l’écriture, les nouveaux talents dans les arts littéraires. Nous ciblons en premier lieu les étudiants et les femmes qui prennent de plus en plus gout à nos activités.Cela représente pour nous un grand acquis. Mais il faut du temps pour intéresser une jeunesse qui ne connait de la culture, hélas, que son aspect folklorique.
La conférence a été animée par Agnès Spiquel. Est ce qu’il est facile de faire venir de telles personnalités sur Laghouat?
Madame Agnés Spiquel a été invitée et entièrement prise en charge par l’Institut Français d’Alger. Cela a été une aubaine. Il est vrai que ce n’est pas facile pour nous d’inviter de telles personnalités pour la simple et bonne raison que nous n’avons pas les moyens de le faire. Nous avons rencontré ce problème l’an passé pour la sélection des participant(e)s aux journées de la Poésie au féminin. Nous avons éliminé beaucoup de candidat(e)s intéressant(e)s faute de ne pouvoir leur payer leur billets d’avion. Cette année encore, avant l’annulation de tous les événements culturels, où nous avons dû péniblement nous passer des talents d’un jeune poète congolais à cause des démarches que son invitation engendrait et que nous ne pouvions assumer seuls.
Qui aimeriez vous inviter comme personnalités étrangères?
Si nous en avions les moyens ce serait formidable.Je pense notamment à monsieur Pierre Rabhi, en tant qu’écrivain et écologiste, ou encore à Amine Maalouf, à Tahar Ben Jelloun. Cela dit, nous aimerions, et je pense que ça serait beaucoup moins compliqué, avoir quelques-uns des grands noms de la littérature algérienne tels que Yasmina khadra, Mayssa Bey, Kamal Daoud, Ahlam Mosteghanemi, Anouar Rahmani, Chawki Amari etc.
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PACTE prône l’échange et la tolérance. Y a t il des étrangers qui font partie de ce projet?
Tout à fait. Nous avons de tout temps prôné la tolérance et le respect de l’autre. Nos objectifs sont multiples : booster l’esprit de partage, créer de l’intérêt pour les autres cultures en développant ce qui nous unit et en exploitant nos différences pour en faire des avantages. Nous avons pour cela le soutien indéfectible de nos amis du Centre Culturel et Document Saharien (CCDS) de Ghardaïa dont le représentant est Monsieur Luc Feillée, ainsi que les membres de l’Evêché. Nous comptons aussi parmi nos fidèles collaborateurs madame Marthe Leus-Kerdel. C’est une artiste peintre d’origine belge habitant à Djelfa. Elle répond toujours positivement à nos sollicitations. En outre, Michelle Obis, de nationalité française, est l’un de nos meilleurs soutiens en matière de livres et de documentation qu’elle offre généreusement au musée.
L’une de vos missions au sein de PACTE est de sensibiliser la population à l’Historie et au Patrimoine de la région de Laghouat. Quelles sont les richesses patrimoniales que l’on peut trouver dans la Wilaya?
Laghouat est une ville qui recèle d’innombrables richesses. Nous pouvons admirer les vues panoramiques qu’offrent les deux marabouts de Sid El Hadj Aissa et Sidi Abdel kader, le vieux ksar, l’église et bien d’autres choses… En dehors de la ville, on peut visiter la Zaouia Tidjania, le palais de Kourdane, le barrage Inferoflux de Tadjmout, les différents caravansérails et relais de diligence ainsi que les ksours aux alentours. Il y a aussi de magnifiques paysages. Nous possédons plus d’une cinquantaine de stations de gravures rupestres, des établissements humains et des monuments funéraires. Il y également la saison des fantasias des Ammours.
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Dans quel état est le patrimoine? Quels sont les dangers qui les guettent?
Il y a le musée de Laghouat qui tombe en ruine sous nos yeux médusés, le vieux Ksar où chaque jour le béton grignote un peu plus le peu de maisons qui restent. , Les autorités concernés ferment les yeux sur tous les dépassements. Elles ne semblent nullement s’émouvoir de l’état de décrépitude dans lequel on s’enfonce chaque jour un peu plus. C’est le cœur même de la ville. Le presbytère qui se trouve juste à coté de la l’église à fait les frais d’une barbarie sans nom( fenêtres et portes datant de 1900 enlevées, arbres gratuitement arrachés…),Je suis allée moi-même en 2018 demander aux autorités de le sauver et de l’aménager en maison d’hôtes pour nos invités, pour les touristes, mais aussi dans le but d’organiser des résidences artistiques digne de ce nom. J’ai fait les frais des pires manœuvres pour entraver toutes mes démarches qui se sont révélées vaines puisque j’ai essuyé un refus catégorique sans la moindre explication. J’ai appris plus tard la lumineuse idée des autorités concernées de l’annexer à l’ancien hôtel de Wilaya pour l’aménager en maison d’hôtes afin d’accueillir leurs invités de prestige que l’on voit une fois tous les 365 jours. Sachez qu’il existe un deuxième hôtel de Wilaya nouvellement construit. J’ai eu la promesse après l’élection du nouveau Président qu’on reconsidérerait ma demande.J’attends toujours et rien ne vient. Loin de me décourager, cela me donne plus de volonté pour continuer à me battre, aux cotés de mes amis et bien d’autres personnes, pour notre patrimoine.
De quelles manières sensibilisez vous les jeunes aux questions environnementales?
Nous avons constaté qu’aujourd’hui les jeunes sont très conscients des questions environnementales et des enjeux que cela représente.Nous évitons le coté théorique que nous laissons aux associations et organismes concernés. Notre action se traduit sur le terrain par une sensibilisation les jeunes aux beautés de la nature et aux moyens de la préserver. Nous incitons les jeunes et les enfants au nettoyage des sites visités. Durant nos sorties pédagogiques, nous joignons donc l’utile à l’agréable. Nous proposons des ateliers de recyclage durant lesquels nous apprenons à faire du neuf avec de l’ancien. C’est ludique et instructif. Nous organisons aussi des projections de films documentaires et des débats autour des ces questions.
Entretien réalisé par Nasser Mabrouk