Chercheur doctorant à l’université d’Alger-3 et Président du Forum de la pensée juvénile à Ouargla, Ismail Kadir, tente d’inculquer aux jeunes d’Oued Righ – une commune située à une dizaine de kilomètres du chef-lieu de la wilaya de Touggourt – l’amour de la lecture. Pour ce faire, le Professeur a imaginé un Arrêts des lecteurs, une bibliothèque de rue à ciel ouvert installée en plein centre ville. Entretien avec un amoureux des livres.

Lors de l’inauguration de l’Arrêt des lecteurs, vous avez évoqué une initiative personnelle. Quelle était votre idée de départ ?

Ismail Kadir : Oui, c’est une initiative personnelle pour soutenir la lecture dans un espace public. Il n’y a pas de meilleur ami qu’un livre.

Une bibliothèque, en plein air et sur une voirie urbaine. Pourquoi avoir privilégié ce type d’emplacement ?

L’objectif primordial est de permettre à toute personne de se procurer un livre, à tout moment et de le lire gratuitement dans cet espace ouvert, sans déplacement et sans inscription. Les gens ont exprimé leur satisfaction à l’égard de cette initiative. D’ailleurs, ils étaient très nombreux sur les lieux le jour de l’inauguration, et même après. On a reçu beaucoup d’appels qui réclamaient avec insistance la réalisation d’arrêts lecture dans d’autres régions voisines et la circulation de cette idée à travers le territoire de la wilaya.

Les gens ont presque oublié le livre. Pensez-vous qu’un tel projet peut attirer les jeunes et raviver en eux l’amour de la lecture?

C’est notre but. Plus qu’une pratique culturelle, la lecture ne permet pas seulement d’apprendre et d’accroitre son vocabulaire. Elle sert aussi à développer son imagination, à s’évader, à oublier les soucis et le stress du quotidien, donc à se procurer un moment de paix, de plaisir unique et invincible. C’est d’ailleurs ce qui m’a poussé à concrétiser cette idée et à mettre à la disposition de tous, 24h sur 24, un espace consacré à la lecture.

Le monde virtuel et les outils numériques, ont envahi notre vie. Revenir aux pratiques culturelles classiques, est-ce possible ?

Les conséquences de l’alliance tripartite entre la science, la culture et la technologie sont les principaux moteurs de cette idée. Cette alliance a été mal comprise du grand public et même de l’élite intellectuelle. Ceci a entraîné la quasi-disparition du livre papier.C’est ce que nous avons remarqué au niveau des étudiants de l’université. Elle a également eu un effet négatif sur la qualité de la recherche scientifique et littéraire. Cette réalité s’est aussi traduite par une baisse terrible du niveau de lecture dans la société, malgré le développement technologique. Cela soulève la question centrale des programmes d’éducation électroniques et de la garantie des droits de propriété intellectuelle.

L’autre point est la perspective développée par les Nations Unies pour mesurer l’étendue de la démocratisation des peuples dans le monde. L’ONU a reconnu que le niveau de lecture dans une société est l’un des indicateurs essentiels de  l’instauration de la démocratie, et ce dans n’importe quel pays. C’est sur la base de ces données que l’idée m’est venue de mettre en place cette initiative.

Qui vous a soutenu dans la concrétisation de ce projet ?

J’ai contacté les services de l’APC (ndlr, le conseil municipal) juste pour avoir l’autorisation officielle.Puis j’ai travaillé avec le soutien des cadres et des intellectuels pour mettre sur pied ce projet que tout le monde a apprécié. Quant au financement, il est personnel. Je l’ai fait pour les jeunes de la région. C’est un don. À cet égard, je tiens à remercier tout particulièrement la bibliothèque du Haut conseil islamique d’El Abiar, ainsi que le Centre national d’études et de recherches sur le mouvement national et la révolution du 1er novembre 1954 pour nous avoir fourni une précieuse collection de livres.

Avez vous d’autres projets en vue?

Oui, bien sûr. Nous travaillons actuellement, en coordination avec les ministères de la Culture et de l’Éducation nationale, à la préparation du lancement dans la wilaya de l’Olympiade de la lecture publique.L’objectif principal de ce projet est d’élever le niveau de lecture dans la société car nous pensons qu’il n’est pas possible de parler de développement économique et social dans une société qui ne dispose pas d’un niveau intellectuel et culturel élevé. 

Entretien réalisé par Chahinez Douadi