Multi-championne d’Afrique en Karaté, Lamya Matoub a été choisie parmi les trois meilleurs sportifs africains pour participer aux Jeux Olympiques de Tokyo cet été. Alors que sa discipline fait son apparition pour la première fois de son histoire aux JO, la professeure des écoles de 29 ans nous confie son bonheur de représenter l’Algérie. Entretien avec une pétillante athlète.
Avez vous été surprise d’avoir été choisie parmi les trois meilleurs sportifs africains pour participer aux Jeux Olympiques (JO) ?
Lamya Matoub : Oui et non.Même si on est courant qu’il y aura trois cartes africaines, on ne se dit pas que cela pour soi. De plus, je n’avais pas les tenants et les aboutissants de la manière dont cela allait se passer. D’un autre coté, je ne suis pas surprise. Je reste, de par mes résultats, parmi les meilleurs athlètes en Afrique.
Cela a dû être une grande émotion de voir votre nom sur la short-list ?
J’étais au téléphone avec une journaliste au milieu de ma classe. Je lui disais que je n’étais pas qualifiée via le tournoi qualificatif olympique. A ce moment là, je vois ma tablette qui s’affole. C’était la stupéfaction. Il y avait plein de messages qui me disaient que j’étais prise pour les JO. On m’envoie la photo de la publication de la Fédération internationale de Karaté.Je tombe des nues. Je me mets à pleurer alors que je suis encore au téléphone. Elle a eu ma réaction en direct. J’ai raccroché et dit aux élèves que j’étais qualifiée. Ils ne comprenaient pas grand chose. Jusqu’à présent, je ne réalise pas encore que je vais aller à Tokyo.
Cela doit être d’autant plus fort que le Karaté sera présent pour la première fois de son histoire aux JO ?
C’est incroyable. C’est historique. Je suis tellement heureuse que l’Algérie soit présente en Karaté à Tokyo.
En tant que seule représentante de la discipline, voyez vous cela comme une pression supplémentaire à porter sur vos épaules ?
Oui, car il n’y a qu’un espoir de médaille avec moi.Non, car je ne fonctionne pas très bien avec la pression.Je la vois comme une force avec ces 45 millions d’Algériens derrière moi. C’est une chance supplémentaire.
Vous êtes, probablement avec la boxe, une des vraies chances de médaille pour l’Algérie.
Effectivement. C’est ce qu’on me dit. C’est la petite « pression » positive que le ministère m’a mise en me disant, tout comme le Comité olympique algérien (COA), qu’ils étaient très contente pour moi. Pour eux, je fais partie des réelles chances de médaille.
Ce serait d’autant plus beau que vous avez été repêchée.
J’y crois. Je me dis que je n’ai pas été repêchée pour rien.Si c’est mon destin de gagner, je le ferais. Si je dois échouer, j’échouerais. Je le prendrais dans tous les cas avec beaucoup de recul et de positivité. Je me sens tellement chanceuse d’être là. Je remercie Dieu.
Vous auriez pu tirer pour la France. Or, vous avez choisi l’Algérie il y a quelques années. Qu’est ce qui a motivé ce choix ?
Je réalise le rêve de ma maman qui a toujours voulu que je tire pour l’Algérie. J’ai commencé à 3 ans à faire de la gymnastique.On disait que j’étais très douée. Elle me disait qu’elle aimerait tellement que je sois en équipe d’Algérie.Dans un second temps, c’était pour poursuivre ma carrière et réaliser mes rêves.C’est ce que je fais.Je commence à aller encore plus loin que mon simple rêve d’être championne du monde.
Imaginez vous l’émotion qui emplira votre mère quand elle vous verra défiler avec la délégation lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques ?
Je n’y serai pas. Je combats l’avant dernier jour (le 7 aout). Avec la situation sanitaire, on n’a pas le droit d’aller au village olympique plus de 7 jours précédant notre compétition.
Le Covid-19 a débarqué il y a un peu moins de deux ans. Comment s’est passée votre préparation depuis cette intrusion ?
Hormis le tout premier confinement, cela s’est bien passé. Je m’entrainais soit chez moi, soit à l’extérieur avec mon préparateur physique.Quand les restrictions ont été levées pour les athlètes de haut niveau, j’ai retrouvé l’entrainement.J’ai la chance d’être dans le meilleur club de France. On a beaucoup de karatékas de haut niveau. On a pu reprendre les entraînements classiques.
Comptez-vous faire une préparation spéciale en vue des Jeux ?
Je pars mercredi en stage en Ukraine pendant six jours. Je continuerai ensuite la préparation à Paris. Le COA et la fédération m’ont dit qu’il fallait faire un stage à l’étranger.Ils font confiance à mon entraineur de club. Nous sommes en collaboration avec un club en Ukraine qui vient régulièrement s’entrainer en France. C’est une vraie alliance. Les deux filles ukrainiennes sont par ailleurs qualifiées pour les JO.
Qu’est ce qui fera la différence pour la victoire finale ou pour une place sur le podium ?
La préparation mentale.
Y travaillez vous ?
Oui, depuis un certain temps. J’ai un sophrologue qui s’appelle Ibrahim Gary, un ex-champion du monde de karaté. Je travaille aussi avec Nelly Moussaid, une hypnothérapeute qui a été championne du monde Junior. Je ne m’entraine plus de la même manière.Cela m’aide beaucoup à gérer mes émotions.Je me sens moins stressée.J’ai changé mon point de vue vis à vis de la pression et du stress. Je vois cela comme un second souffle, comme un lièvre qui me pousse à avancer. Il y a tellement de pression dans ces événements. Surtout avec le Karaté qui entre à Tokyo mais qui ressort à Paris. On n’a qu’une gâchette. Il faut la saisir. La personne qui gèrera le mieux ses émotions ira au bout dans ces Jeux.
Quel objectif vous fixez vous pour vos premiers Jeux Olympiques ?
La médaille d’or. En tant que compétitrice dans l’âme, il n’y a que l’or qui compte.Je ne suis pas contre les autres métaux, mais je trouve que c’est l’or qui me va le mieux (rires).
Entretien réalisé par Nasser Mabrouk