Emmanuel Macron rend hommage aux Harkis

Le président de la république française Emmanuel Macron a organisé lundi une réception à l’Elysée en l’honneur des Harkis, ces supplétifs de l’armée française lors de la guerre d’Algérie (1954-62). Dans son discours le chef de l’Etat français a indiqué que la République a contracté « une dette » à l’égard des Harkis tout en leur demandant « pardon» au nom de la France. Morceaux choisis:

« …si j’ai voulu que vous soyez tous et toutes ici réunis, c’est justement parce que je suis convaincu que cette page de notre histoire vaut mieux qu’un hommage, un jour chaque année, qui lui est réservé ».

« L’histoire des Harkis est grande et douloureuse. Elle est grande parce que c’est une histoire de soldats, une histoire d’honneur, une histoire de Françaises et de Français et l’histoire des Français. Elle est douloureuse, et vos mots à tous les quatre l’ont montré, parce que c’est l’histoire de déchirures. Déchirure entre deux pays, déchirure avec votre terre natale, déchirure avec vos familles restées en Algérie, vos amis, vos langues, vos cultures et traditions, mais toujours déchirure entre Français ». 

« Pendant des décennies, vous avez vécu dans un pays où ce que vous êtes était une insulte et est encore une insulte dans beaucoup d’endroits de la République. Et pendant des décennies, vous avez quitté un sol où l’obsession des dirigeants jusqu’à aujourd’hui était et est encore de ne pas vous laisser revenir, y compris pour vous recueillir sur la tombe de vos parents et grands-parents » .

« C’est la tragédie d’une fidélité bafouée plusieurs fois par les massacres en Algérie, par l’exclusion en France, puis par le déni et refus de reconnaissance ». 

« Votre histoire, c’est la nôtre et elle est désormais bien établie. Elle a été dite, écrite par vous-mêmes, par les témoins, par les historiens, mais elle reste trop mal connue des Français. C’est pourquoi j’ai fixé ce rendez-vous. Ce n’est pas un rendez-vous avec les Harkis, c’est un rendez-vous avec la vérité, avec la France, avec une part de nous »

« Cette guerre d’indépendance pour les uns, civile pour les autres, a bousculé en profondeur notre pays et tant et tant de générations ». 

« Vos aïeux avaient servi la France pendant la Première Guerre mondiale. Vos grands-pères et vos pères l’avaient servi pendant la Seconde. Vous, ici, parmi nous, cher Serge, ou vos pères, l’ont servi durant la guerre d’Algérie. Et quelles que soient les raisons de leur engagement sous notre drapeau, les Harkis ont prêté leurs forces, ont versé leur sang, ont donné leur vie pour la France, entre 1914 et 1918, 39 et 45, 54 et 62. »

« Ils furent près de 200 000 à porter nos couleurs. Ils étaient interprètes, éclaireurs, pisteurs, guerriers, montaient la garde, tenaient des positions, sécurisaient des points stratégiques, parfois des villages entiers ou des espaces immenses. Ils combattaient ». 

« Les Harkis ont été, ont toujours été et sont des Français, par le sang versé, les combats choisis et leur naissance, à chaque fois. Or, après la guerre d’Algérie, la France a manqué à ses devoirs envers les Harkis, leurs femmes, leurs enfants. »

« Le 19 mars 1962, c’était la fin des combats, le soulagement pour beaucoup, l’angoisse pour tant d’autres, le début du calvaire pour les Harkis, la cruauté des représailles, l’exil ou la mort. » 

« Entre l’hiver et le printemps 1962, la France, elle, a tergiversé pour ouvrir ses portes aux Harkis avec un premier oui pour une poignée d’entre eux, une dizaine de milliers, puis un refus par peur d’infiltration terroriste d’un bord ou de l’autre, avec interdiction à quiconque de les aider. »

« Cet accueil ne fut pas digne et la moitié des Harkis rapatriés fut reléguée, parfois des années, dans des camps et des hameaux de forestage. Il y eut même des familles de Harkis parqués dans des prisons, oui, des prisons. »

« Et voilà qu’ils trouvaient dans ce pays qu’ils avaient servis, notre pays, leurs pays, non pas un asile, mais un carcan, non pas l’hospitalité, mais l’hostilité. Les barreaux et les barbelés, les couvre-feux, le rationnement, le froid, la faim, la promiscuité, la maladie, l’exclusion, l’arbitraire et le racisme, au mépris de toutes les valeurs qui fondent la France, au mépris du droit, au mépris de toute justice. Les portes de l’école de la République fermées à leurs enfants, à vos enfants, à vous, au mépris de l’avenir. Ce dont je parle, étaient les années 1960 et 1970 et c’était en France. » 

« Pour vous et pour vos familles, ce fut un abandon, un abandon de la République française reconnue depuis 2001, vous l’avez rappelé un instant, et jusqu’aux responsabilités reconnues en septembre 2016. »

« La France leur a lâché la main et leur a tourné le dos. Face à ceux qui l’avaient loyalement servi, notre pays n’a été fidèle ni à son Histoire ni à ses valeurs. »

« C’est pourquoi aujourd’hui, au nom de la France, je dis aux Harkis et à leurs enfants, à voix haute et solennelle, que la République a alors contracté à leur égard une dette. Aux combattants, je veux dire notre reconnaissance. Nous n’oublierons pas. Aux combattants abandonnés, à leurs familles qui ont subi les camps, la prison, le déni, je demande pardon, nous n’oublierons pas. » 

« Il s’agit désormais de réparer autant qu’il est possible ces déchirures : déchirures de l’histoire, que vous portez dans votre chair. Le souvenir des Harkis, l’honneur des Harkis doit être gravé dans la mémoire nationale. Cette histoire, nous la racontons, nous l’enseignons, et nous continuerons d’en panser les plaies tant qu’elles ne seront pas refermées, par des paroles de vérité, des gestes de mémoire et des actes de justice. » 

« C’est pourquoi le Gouvernement portera, avant la fin de l’année, un projet visant à inscrire dans le marbre de nos lois la reconnaissance et la réparation à l’égard des Harkis ».

Amale Hoummati