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Habituellement peu présent dans l’espace médiatique, Djamel Belmadi s’est beaucoup exprimé ces derniers jours dans les médias. Après avoir donné des interview à BeIn Sport puis à RMC, le sélectionneur national s’est longuement confié à Maamar Djebour dans son émission Football Magazine sur la radio Alger Chaine 3. Le meilleur entraineur d’Afrique 2019 est revenu sur les derniers matchs des Fennecs, sur les cas problématiques de certains joueurs et sur les prochaines rencontres qualificatives pour le Mondial 2022 au Qatar. Morceaux choisis :

« On a fini meilleures attaque et défense de la Coupe d’Afrique. On est la meilleure attaque de ces qualificatifs jusqu’à présent.On marque assez et on n’encaisse peu. On peut encaisser encore moins et être plus dangereux. Quand l’environnement sera plus favorable, et notamment en phase finale, on pourra mettre en place un jeu plus attrayant.C’est ce que je veux. Je suis aussi réaliste. Il y a un entraineur célèbre en Afrique qui disait qu’il y a deux équipes à avoir: une à domicile quand le terrain te permet de développer un football et celle à l’extérieur où c’est un tout autre football. Il y a une certaine vérité dans ce qu’il raconte. Il faut qu’on soit forts quand on joue le Zimbabwe qui jouent de longs ballons avec cet impact physique. Il faut être capable de bien défendre, de ne pas encaisser de but et de marquer des buts sur des terrains où le ballon ne roule pas correctement »

« En Europe tout est carré.Dès qu’on arrive en Afrique, c’est autre chose. On sent presque un petit coté insécurité.Cela peut peser dans les cerveaux ou dans la concentration des matchs ». 

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« Les deux buts encaissés au Zimbabwe sont sur coups de pied arrêtés. Sur le premier but, il la met là où il faut avec la force qu’il faut. Le ballon était léger. Il aurait fallu 2 gardiens pour l’arrêter. On ne peut rien faire. Le deuxième, c’est plus problématique. On n’est pas au marquage.On concède un peu plus d’occasions que d’habitude. Peut être qu’un joueur important comme Youcef Atal n’est pas là même si Réda Halaimia ne démérite pas du tout. On a Djamel Benlamri qui a joué 20 minutes en 8 mois.Cela fait 50% de la défense qui n’est pas au mieux. Cela peut être un début d’explication.Je conçois aussi l’animation défensive comme le travail de tout un groupe. Peut être qu’on a été un peu défaillants ». 

« Ryad Mahrez a joué ses deux derniers matchs avec un gros problème au dos.Je lui ai donné l’opportunité de ne pas jouer car je sais que cela l’handicapait Il a tenu à jouer. Ensuite, il y avait le match retour avec les 10 heures de vol.Il a voulu faire le déplacement et être avec ses coéquipiers. Il ne s’est pas plaint.Cela veut tout dire alors qu’il a un match contre Tottenham ce week end.Beaucoup auraient fait des calculs. J’en ai eu à mes débuts qui ont fait l’impasse sur des matchs internationaux.Cela n’existe plus »

« Cela a été bénéfique de jouer à 10 contre le Mexique car je ne voulais pas quelque chose de facile.C’est cela que l’on va bientôt avoir. On en a encore eu la preuve avec ce match contre le Zimbabwe. J’aime cela car je sais ce que je suis en train de préparer ces qualif’ de Coupe du monde avec les matchs qu’on va jouer à l’extérieur.Il faut préparer les garçons« ».

« Youcef Belaili a un talent extraordinaire. Le seul souci, c’est la constance.Avec son talent et un professionnalisme à la Aissa Mandi, il serait au moins à Tottenham ou à l’Atletico de Madrid. ll a tellement de talent qu’on aurait voulu qu’il y ait une constance, un environnement autour de lui. Qu’il comprenne qu’une carrière, c’est une fois, c’est one shot. Quand c’est terminé, c’est terminé. Il s’est formidablement bien relancé avec cette Can où il a performé. Et de le voir retomber dans certains travers, cela fait doublement mal. A la limite cela ne me fâche pas qu’en tant qu’entraineur mais pour mon pays.J’ai du mal à le digérer encore.Il ne tient qu’à lui de se remettre au travail et d’être performant. Je serais attentif à son évolution comme avec tous les joueurs. Ce ne sera pas un passé récent qui fera qu’il retournera dans ce groupe, c’est ce qu’il va faire maintenant. Il a 28 ans. Il a encore un peu de temps devant lui.Il faut qu’il comprenne de manière définitive et qu’il arrête d’être dans des hauts et des bas qui empêche sa progression et sa constance au haut niveau »

« Les clubs qui reçoivent des joueurs (ndlr, Atal et Boudaoui) doivent savoir que ce sont des joueurs un peu particuliers.Il faut une proximité, un accompagnement. Il ne faut jeter ces joueurs dans cette « jungle » du football.J’ai eu une discussion avec le président de la fédération notamment pour Hicham Boudaoui. C’est presque un enfant. Il n’est pas 100% mature. Il est très timide et en retrait.L’envoyer à Nice sans accompagnement, c’est un grand choc culturel.S’ils ont des difficultés et des blessures, c’est que cet accompagnement n’a pas été fait. En club, c’est 1h30 d’entraînement et ensuite c’est libre à Nice. Quand on a 19 ans, cela peut faire tourner la tête.Sans leur jeter la pierre et sans dédouaner les joueurs, je pense qu’il y a un manque de discernement ou d’anticipation des clubs » 

« On a fait en sorte avec mon staff et les gens qui sont proches de l’équipe de créer un climat où le joueur trouve un réel plaisir à rejoindre l’équipe nationale (EN).L’idée, c’est de mettre une atmosphère propice, une tranquillité dans les séances d’entrainement, dans la logistique, dans l’organisation pour que les joueurs se sentent bien et qu’ils soient disposés à mouiller le maillot car on joue pour le peuple. Cela on ne l’oublie jamais. Ils savent déjà qu’ils sont observés, attendus. Les supporters sont dans nos têtes. On joue pour eux. Nous ne sommes qu’un. C’est notre leitmotiv.Pour beaucoup d’entre eux, on a réussi à faire en sorte qu’ils aient envie de retrouver l’EN avec impatience quand les dates FIFA sont espacées. Qu’ils aiment plus la sélection que leurs clubs. Cela n’a pas toujours été le cas.J’ai réussi à le faire avec le Qatar. On est en train de le faire avec l’Algérie.C’est une grande victoire »

« La Can c’est tellement fort et valorisant que quand on n’est plus à calculer la Coupe du monde dans 4 mois en craignant de se blesser.On sait aussi l’impact que cela peut avoir sur le peuple.Par contre à la période à laquelle elle se joue, les joueurs sont dépités. En janvier-février, ils sont en plein championnat. Ce genre de compétition à de valeur que parce qu’il y a des Mahrez, Mané, Salah ou Aubameyang.Sans eux ce n’est plus le même prestige. Il faut y penser. Ils l’ont donné au Cameroun. Il y a un problème de pluviométrie incroyable au mois de juin-juillet. C’est pénalisant pour les joueurs qui vont arriver à reculons ».

« Pour les joueurs en équipe de France, on explique les choses, le projet de jeu, ce qu’on attend d’eux.Est ce qu’ils sont attentifs, réceptifs? Est ce que cela leur parle? Cela a un rapport à leur éducation, à leur plan de carrière.Je cache cela car je ne veux pas qu’il y ait une mauvaise pression. On suit assidument les autres. On attend qu’ils aient le niveau pour nous rejoindre. Pour eux on n’aura pas besoin d’expliquer quoi que ce soit parce qu’ils ne jouent pas pour une autre équipe nationale »

« Il y a 4 ou 5 joueurs que l’on suit. Certains sont en équipe de France.D’autres sont dans leurs championnats. On voit leur évolution. On a aussi des joueurs qui sont déjà là. Il faut leur donner du temps de jeu pour qu’ils puissent grandir. Mehdi Zerkane a un fort potentiel. Avec le temps ce sera une valeur ajoutée pour l’équipe nationale. Il y a Said Benrahma. J’espère qu’il arrivera en forme.Il y a Youcef Belaili qui, s’il mérite, sera là au mois de mars. Ce sont des choses intéressantes qui va permettre au groupe d’être plus compétitif et plus solide »

« Il y a deux réflexions. C’est de prévoir les matchs de juin au Niger à domicile et notamment ce déplacement au Burkina.Il y aura en mars ce match à l’extérieur (en Zambie) qui sera une opportunité de se mettre dans les conditions du match au Burkina. On sera dans cette idée de faire jouer plus ou moins l’équipe qui a donné ces résultats et qui est performante. Sur celui à domicile, l’idée sera de donner du temps de jeu à des joueurs qui en ont moins tout en ayant une équipe compétitive »

« On peut parler d’ambition de se qualifier pour la Coupe du monde. Si on n’y arrive pas, ce sera un échec. Tout le monde doit être dans cet état d’esprit. Si on se qualifie, on parlera alors d’objectifs et d’ambition ».

Karim Ait Yahia