L’Algérie commémore le soixantième anniversaire des manifestations du 11 décembre 1960 qui furent selon l’historien Mohamed Lahcen Zeghidi « un événement historique décisif à la fois pour le peuple algérien et pour tous les peuples luttant contre toutes formes de colonialisme et d’oppression ».

Parties de la ville de Aïn Témouchent le 9 décembre 1960, suite à la tournée du Général De Gaulle (du 9 au 12 décembre) dans l’ouest du pays, les premières étincelles de la révolte ont fini par embraser le quartier de Belcourt le 11 décembre 1960 pour déboucher le 14 décembre à l’ONU sur « la plus grande décision à l’échelle mondiale, toujours en vigueur jusqu’à présent, garantissant aux peuples le droit à l’autodétermination », analyse M.Zeghidi dans un entretien accordé à lAPS.

Pour Mathieu Rigouste, sociologue et auteur du livre et du film « Un seul héros, le peuple » (unseulheroslepeuple.org), ces manifestations « ont contraint la France coloniale et les Nations unies à reconnaître le droit à l’autodétermination du peuple algérien, lui permettant ainsi d’arracher l’indépendance en 1962 ».

Et d’ajouter : « Le soulèvement général des classes populaires algériennes en décembre 1960, pendant près de trois semaines à travers toutes les villes du pays, a forcé le général De Gaulle et l’Etat français à abandonner le projet néocolonial de « troisième voie » nommé « Algérie algérienne ».

Présents lors du déplacement du Président français dans l Oranie, les journalistes ont pu ainsi révéler à la planète entière la répression sanglante qui s’est abattue sur les soulèvements populaires de Aïn Témouchent, d’Oran (le 10) et d’Alger (le 11). 

« Toutes ces scènes de massacres ont été décrites et des photos ont accompagné les reportages retransmis, le jour suivant, à l’adresse du monde entier qui a réalisé que ce qui se passait en Algérie était une révolution populaire et que tout le peuple algérien était derrière son gouvernement provisoire et ses leaders politiques luttant pour l’ indépendance », précise M. Zeghidi.

Officiellement les autorités françaises ont reconnu « 120 morts, dont 112 Algériens et des centaines de blessés », rappelle le chercheur français en sciences sociales.

Concernant ces événements de décembre 1960, l’historien algérien indique que « tout était organisé par les structures de la guerre de libération » pour « contrecarrer les appels des colons » qui étaient hostiles à la politique du Général.

 « C’est pour cela qu’il y a eu, à l’arrivée de la délégation, deux groupes opposés, l’un composé de colons répétant les slogans de « l’Algérie française », et les Algériens, venus pour faire entendre à de Gaulle, à sa délégation et à ses colons, le cri de « Algérie algérienne », avec pour mot d’ordre « Algérie indépendante », adopté par le FLN, avant que l’étincelle des manifestations se déclenche et se généralise à toutes les régions du pays », détaille le Professeur d’université.

Trois ans après la bataille d’Alger, Mathieu Rigouste estime de son coté que ce sont les couches populaires « venues par milliers des bidonvilles et des quartiers ségrégués » qui ont « débordé la répression militaire française et changé le cours de la révolution algérienne ». 

Une volonté populaire qui amènera finalement le chef de l’Etat français a réviser sa position vis à vis de l’Algérie en renonçant à son projet initial de « troisième voie ».

« Après les soulèvements, l’étau militaire est desserré dans les montagnes. Charles de Gaulle ordonne l’arrêt des exécutions, abandonne le projet de « troisième voie » et doit se résoudre à négocier avec le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA). Le 19 décembre, l’Assemblée générale des Nations unies vote la résolution 1573 (XV) reconnaissant au peuple algérien son droit « à la libre détermination et à l’indépendance », résume l’universitaire parisien.

Amale Hoummati