Est-ce une tendance lourde ou un phénomène conjoncturel en Algérie ? La mode des prénoms étrangers, notamment turc et amazigh, pour les nouveaux nés semblent gagner du terrain en Algérie, et en particulier à Constantine.

Les agents de l’état civil du quartier Aouinet El Foul de Constantine sont catégoriques. De plus en plus de prénoms de nouveaux nés sont issus des séries télévisées turques ou des requêtes Google.

L’influence des séries télévisées turques

« A chaque nouveau feuilleton, nous constatons une évolution du répertoire des prénoms.La tendance est aux prénoms turcs, avec une prédominance depuis début 2021 du prénom féminin Ayla, alors qu’en 2020 c’était plutôt Myral qui occupait le haut du podium chez les filles et Daniel qui a fait son entrée chez les garçons », indique à l’APS Saliha, une employée au service des inscriptions des naissances.

Si le tropisme turc est admis par l’administration municipale, certaines envies parentales sont en revanche rejeter pour incompatibilité culturelle.« Nous relevons également bon nombre de propositions de prénoms incohérents, parfois à connotation religieuse, mais qui relèvent de la pure invention à l’image de ‘Abdelouadjed’ ou encore le prénom ‘Azraël’ qui ont été carrément refusé par nos services », ajoute la fonctionnaire.

Des prénoms farfelus rejetés par l’administration

Directeur de la réglementation et des affaires générales (DRAG) de la commune de Constantine, Hilal Bouderbala, admet quant à lui que certains rejets sont notifiés car ils portent atteinte « aux composantes de l’identité nationale et à la religion » ou qu’ils embarrassent les agents « en raison du manque d’espace sur les documents de l’état civil ou de leur sens ambigu ».

Malgré certains refus, il n’est pas rare que des pères ou des mères persistent dans leur volonté d’obtenir gain de cause « en saisissant le procureur de la république pour l’avaliser », précise Saliha.

Et de poursuivre : « Force est de constater que certains parents s’accrochent aux prénoms choisis aussi farfelus soient-ils, mettant en avant les listes inventoriées par le moteur de recherche Google ».

Le retour à l’authenticité amazigh

Sur une nomenclature de 300 prénoms – filles et garçons confondus – actualisée annuellement par la tutelle, les appellations amazighs, symboles « d’authenticité », ont de plus en plus de succès.

Ainsi les prénoms tels que Koulla, Dihiya, Djouza, Aylana, Asafou, Azwaw, Branis, Iguem et Massinas font régulièrement leur apparition sur les registres de l’état civil.

Interrogé par l’APS, le sociologue Abdallah Hammadi estime de son coté que la mutation de ces 40 dernières années est palpable « depuis l’avènement du multipartisme, des réseaux sociaux et l’invasion informationnelle des grandes nations à travers les moyens de communication modernes ».

S’appuyant sur la vogue des prénoms composés, l’universitaire s’inquiète toutefois des répercussions pour celui qui devra le porter toute sa vie. « Des prénoms composés peuvent générer de par leur extravagance et leur longueur de profonds complexes et handicaps à l’enfant dans sa vie future et dans ses relations avec autrui, en plus des inévitables erreurs de transcriptions commises parfois au niveau de l’état civil », prévient-il.

A bon entendeur…

Amale Hoummati