Tourisme Algérie
© crédit photo/ Mohamed Bourad

Le tourisme continue de subir les effets directs de la pandémie de la Covid-19 dans le monde, et l’Algérie – qui n’y échappe pas à cette règle -, est de surcroit impactée par les effets collatéraux des mesures gouvernementales. Petit tour d’horizon d’un secteur qui se cherche.

Un secteur agonisant

Si la levée de certaines mesures draconiennes ont un boosté la demande – dans les secteurs de la restauration, des loisirs et de l’hébergement -, la reprise semble être bien loin des attentes des voyagistes et des hôteliers en termes de recettes et d’emplois. Malgré les nombreuses tentatives des professionnels et des syndicats du tourisme d’alerter les pouvoirs publics – pour « sauver les meubles », préserver les milliers de postes et atténuer les charges fiscales et sociales qui pèsent sur eux -, rien n’a abouti. Pire, la majorité des opérateurs s’est résignée à fermer boutique et à mettre au chômage technique son personnel. 

Impact de la crise sociale sur l’industrie des loisirs

Socialement et économiquement, l’épidémie de Covid-19 a eu des effets dévastateurs sur une classe moyenne, habituée aux voyages et aux loisirs. 

Ainsi, selon les premiers indications remontant du terrain, les Algériens de l’intérieur devraient se contenter de courtes vacances ou de week end réguliers – agrémentés de balades – dans l’arrière pays de l’Atlas blidéen, du Djurdjura ou du Ouarsenis. 

Pour les résidents de l’étranger, à condition que les mesures de confinement* imposées par les pouvoirs publics ne soient pas trop dissuasives, on peut s’attendre à des arrivées en masse qui permettraient aux acteurs du tourisme de vivre une bonne saison comparativement à celle de l’année passée. 

Si certains opteront pour des formules balnéaires en demi-pension, d’autres profiteront du boom des locations chez l’habitant – les appartements et villas se louent entre 6000 et 11 000 dinars la nuitée -, dont le business fort juteux échappe à tout contrôle. 

Une résilience au forceps

Devant cet état de fait peu reluisant certains ont donc dû se recentrer sur le domestique afin de garder la main sur la saison 2021-2022.

« Nous sommes à la croisée des chemins et plus rien ne sera comme avant. Il faudra s’adapter coute que coute.Il est urgent pour les hôteliers de revoir les offres et les prix des prestations, de s’adapter aux clientèles dont les motivations et les exigences ont changé totalement », explique Said Boudraa PDG de EGT EST.

Le dirigeant d’entreprise pointe par ailleurs la difficulté à se faire financer au quotidien ou pour développer son activité. «  Les crédits se raréfient en matière d’exploitation et d’extension des infrastructures », déplore-t-il.

Du coté des agences de voyage, l’expectative suscite les mêmes inquiétudes. « Les voyagistes locaux seront obligés d’investir le tourisme domestique et de maitriser toute la chaine de production et de commercialisation dans les mois et années à venir », précise Mustapha Bendali le fondateur de la plateforme Nreservi

Et d’ajouter : « Les agences et plateformes par conviction ou pour des raisons économiques ont du revoir leur stratégie en vue de conquérir de nouveaux segments dans marchés locaux ». 

Pour espérer tirer son épingle du jeu, M. Bendali mise beaucoup sur un partenariat gagnant-gagnant, sur le moyens et long termes, avec les professionnels de l’hôtellerie. Une nouvelle approche commerciale quia suscité un « engouement sans précédent » tout en donnant « des ailes aux hôteliers », positive le boss de Nreservi.

Une absence de visibilité 

Dans ce contexte chaotique, certains acteurs ont repris partiellement leur activité, en prévision de la saison estivale, tandis que d’autres sont déprimés face à l’absence de visibilité – intérieure comme extérieure – des secteurs du voyage et des loisirs.

Les voyagistes semblent encore pénalisés par la fermeture des frontières, le report du hadj et de la Omra tandis que les destinations classiques – la Tunisie par route, la Turquie, l’Egypte, le Maroc et l’Europe du sud par avion – demeurent encore loin des espérances du consommateur algérien.

Au niveau domestique, bien que la préparation de la saison ait été amorcée par les collectivités locales, les flux vers la grande bleue semblent encore timides. En effet, l’interdiction de se rendre sur le littoral – la saison n’est pas officiellement ouverte -, les sempiternels problèmes d’hygiène et d’accès aux plages ainsi que le rapport qualité-prix – trop onéreux – sont des facteurs défavorables à une reprise immédiate de l’activité touristique.

Un recentrage sur les offres domestiques

En ce qui concerne le tourisme saharien, l’absence de visibilité sur l’international devrait permettre à la demande interne de maintenir à flot le secteur. 

« La demande va sans doute connaitre une évolution positive pour l’hiver 2021-2022 mais les nouveaux venus seront obligés de s’adapter, de maitriser surtout les offres et d’identifier des produits fiables à des prix concurrentiels », annonce Mourad de Timboo Voyages

Face à cette situation peu claire, le ministère du tourisme serait bien inspiré de mettre en place des stratégies à moyen et long termes en connectant les acteurs autour d’actions ciblées, en offrant des produits de qualité aux Algériens et en élargissant les partenariats publics-privés. C’est à ce prix qu’on pourra sauver la saison 2021 et entamer 2022 sous de meilleurs auspices.

* Le gouvernement impose 5 jours de confinement obligatoire aux frais (33000 dinars) de chaque touriste algérien venant de l’étranger.

Mohamed Bourad