Quand elle n’exerce pas son activité d’infirmière Myriam Mohli Aoues troque sa blouse blanche pour celle colorée de peintre. Jusqu’au 23 septembre, l’artiste algérienne expose à la galerie Ezzou’arts, avec « Abstraction du bleu en folie », une vingtaine de ses toiles où le bleu comme toujours ne manque jamais à son décor. Entretien avec une auto-didacte qui peut se lever à 4 heures du matin pour immortaliser une inspiration.

Comment cette passion de la peinture a-t-elle débuté chez vous?

Myriam Mohli Aoues : J’ai commencé très jeune à 5 ou 6 ans avec mère qui était artiste peintre et qui composait même des fresques murales. D’ailleurs ma première exposition, je l’ai faite avec ma mère à la mairie de Saint Etienne, à l’âge de 15 ans. Il y avait du monde et une grande visibilité. J’avais fait des aquarelles que j’ai toutes vendues. Cela m’avait marqué car j’étais jeune et que ce n’était pas programmé. Je me rappelle que le maire, qui avait accepté que j’expose, m’avait encouragé à persévérer. Par la suite, j’ai fait plusieurs expositions en Algérie et en France. Pendant la Covid, les galeries étant fermées, j’en ai profité pour exposer dans les hôtels Mercure et au Complexe des Sables d’Or d’Alger afin que mes toiles ne restent pas confinées à la maison. Je voulais donner un peu de gaieté et d’espoir aux gens, notamment les malades, qui occupaient les hôtels. Il ne faut pas oublier que je suis infirmière.

A l’image de nombreux artistes en Algérie vous êtes autodidacte

Oui, mais j’ai fait une formation de courte durée, par curiosité. Je voulais voir ce qui se passait dans une école d’art et savoir si j’avais raté quelque chose. J’ai aimé le travail en équipe et l’échange culturel. C’était important de peindre ensemble.

Est-ce que cela vous a fait progresser?

J’ai découvert l’art et la culture des autres et de certains pays. Il y avait des étrangers : un Egyptien, un Marocain, un Franco-Algérien. 

Depuis cette expérience collective, votre style a-t-il évolué?

Je continue à faire ce que j’adore faire mais je reste ouverte.Je peins à l’huile et à l’acrylique. Mon style, de l’art abstrait contemporain, est toutefois ancré en moi mais je fais aussi du figuratif.

Le bleu est très présent dans vos toiles. Il est également compris dans l’intitulé de l’exposition. Pourquoi lomniprésence de cette couleur ?

J’adore le bleu. J’habite aussi en bord de mer. Cela m’inspire.Ce qui apparait sur mes toile est mon propre mélange de bleus. Il peut ainsi se métamorphoser de mille et une façons. Je ne peux pas jeter sur la toile les couleurs brutes. C’est un sacrilège.

Qu’est ce qui déclenche chez vous l’envie de peindre?

En général, c’est une grande joie ou une tristesse. Je me lâche et je me sens bien après.

Quand vous finissez une toile, vous arrive-t-il de voir quelques temps après l’avoir peinte vote oeuvre différemment?

Je la vois toujours de la même manière. Parfois, je me lève à 4 ou 5 heures du matin parce que j’ai une inspiration. Je sais quelle toile je vais faire. Je prépare mes instruments et je commence.Quand j’ai un flash, il faut que je le fasse. Ce qui est dans ma tête se retrouvera au final. Il n’y aura jamais une copie de mes toiles. Elles sont uniques et originales.

En tant qu’infirmière de métier, voyez vous des similitudes ou des complémentarités avec votre statut d’artiste? 

C’est une sorte d’évasion car on est stressé entre les patients, les gardes, l’hôpital. C’est fatigant. C’est une façon de faire le vide autour de moi et de respirer. Cela me procure de la joie et des émotions indescriptibles. 

Pendant la Covid et le confinement, ce besoin d’évasion vous a-t-il rendue plus prolifique? 

Oui, beaucoup plus. J’ai fait énormément de toiles pendant le confinement. J’en ai exposé plus d’une trentaine à l’hôtel Mercure et aux Complexe des Sables d’Or. C’est à ce moment que j’ai été la plus productive. J’avais besoin de me libérer du stress et de la fatigue en projetant mon état intérieur. Il ne fallait pas que l’on me dérange (rires). 

Y-a-t-il des artistes qui vous inspirent?

J’adore Monet, Van Gogh, Baya et Issiakhem. 

A quoi rêvez vous aujourd’hui ?

En ce qui concerne notre pays, il faudrait qu’il y ait plus de galeries, qu’il y ait un peu plus de visibilité et qu’on s’intéresse plus à l’art.Cette culture n’est pas encore au niveau de nos voisins. Chez eux, il y a des gens qui encouragent en achetant les oeuvres des artistes. On manque de cela. Ici, on préfère acheter  au marché d’à coté une impression sur toile plutôt que celle peinte à la main. Il faut aussi éduquer les gens à l’art. Ils dépensent des fortunes dans les supermarchés mais ne le feraient pas pour une poterie ou une toile. Ils trouvent cela dérisoire ou secondaire.A titre personnel, j’aimerais bien faire une résidence d’artistes à l’étranger, en Tunisie ou au Maroc, afin d’avoir un échange culturel avec d’autres collègues.

Entretien réalisé par Nasser Mabrouk