On avait rencontré Zohra Nora Kehli en février 2020. C’était quelques jours avant qu’elle ne décroche le titre indivduel de Championne d’Afrique Junior (Sabre féminin) au Ghana. C’était quelques semaines avant la crise sanitaire mondiale liée à l’épidémie de Covid-19. Les Jeux Olympiques de Tokyo – son objectif principale de l’année 2020- n’avaient pas encore été reportés à 2021. Le confinement était une réalité alors inconnue dans l’Hexagone. Alors que la France se reconfine de nouveau, la Franco-Algérienne de 19 ans nous explique comment elle avait vécu les trois mois – de mars à mai – d’entrainements à distance et le report permanent des compétitions internationales auxquelles elle devait prendre part. 

De quelle manière avez vous vécu cette période d’inactivité liée à la Covid-19?

Zohra Kehli : Au début, c’était un peu compliqué. Je n’avais plus les repères. J’étais toutefois sereine. Il fallait seulement se réadapter aux entrainements. 

Comment s’est passée la reprise des entrainements post-Covid-19?

Il faut savoir que je ne me suis pas vraiment arrêtée de m’entrainer suite à la crise du Covid-19. On a continué les entrainements à distance par visioconférence. Dès le moment où on a pu être déconfiné, on a repris le travail physique puis, plus spécifiquement, l’escrime.

Concrètement comment s’entraine-t-on à distance?

Avec l’ensemble des athlètes qui étaient à l’étranger, on a eu des rendez vous d’une ou deux heures pour s’entrainer. On essayait de s’arranger pour trouver un horaire qui convienne à tout le monde sachant qu’il y avait des Américains et l’équipe nationale de Géorgie dans le groupe.Chaque jour, il y avait une heure de travail physique pour ne pas perdre le rythme. Ensuite, c’était des situations tactiques comme en match.

Vous vous entrainiez où chez vous?

Dans le salon ou sur ma terrasse. Le coach nous disait de faire et on appliquait. Ensuite, on se réunissait et on posait des questions. Les séances étaient programmées la veille. 

Est ce que vous avez travaillé avec les armes ?

Oui, cela se faisait avec tout le matériel dont on dispose à domicile. On positionnait le sabre, le masque…

Avec ce long arrêt, qu’est ce qui vous a le plus manqué ?

Ce sont surtout les combats contre les adversaires. Au début, cela nous a fait bizarre de reprendre sur la piste. Le coach Bauer a fait en sorte que cela se fasse progressivement pour éviter les blessures ou les claquages afin qu’on soit prêt pour la compétition. 

Quel type de préparation spécifique était-ce?

On a fait plusieurs stages. Le premier de deux semaines – fin mai début juin – en Bretagne dans un domaine de golfe. On a effectué une grosse préparation.On a fait d’autres activités physiques utiles pour l’escrime qui est un complément pour tous les autres sports. C’est important de faire d’autres activités pour bien comprendre comment fonctionne ce sport.Par exemple, la pratique du golfe permet d’avoir un relâchement pour le haut du corps et des bases solides au niveau des jambes. On a aussi fait des activités un peu extrêmes pour repousser nos limites. C’était du saut à l’élastique ou de l’accro-branche.On a travaillé la technique afin de récupérer les bons gestes. On a enchainé pendant ensuite un autre stage d’un mois à Orléans. 

Combien de temps vous a t-il fallu pour retrouver le rythme d’avant Covid-19?

Il m’a fallu un mois.Il n’y avait que les petites erreurs techniques à corriger. C’est revenu quand on a repris les matchs.Ce n’était pas si compliqué étant donné qu’on avait bien travaillé physiquement. 

Pendant cette période d’arrêt,  y a-t-il un soutien psychologique ou des échanges avec le coach?

Avant chaque séance, nous étions tous connectés. L’entraineur nous posait des questions pour savoir si on allait bien. Il nous mettait en confiance. On a conservé cette bonne humeur malgré le contexte de crise sanitaire. Il y a aussi les dirigeants de la Fédération algérienne d’escrime qui ont régulièrement pris de mes nouvelles.

De quelle manière occupiez vous votre temps en dehors des entrainements?

Pendant cette période, j’avais mes examens universitaires à préparer.J’ai profité de cet arrêt pour réviser. Il y avait aussi le Ramadhan.

Vous avez rejoint l’écurie Bauer en 2019. Quel bilan faites vous après un an de collaboration?

Physiquement, je suis plus endurante sur les circuits training qui sont très durs.Je ne craque pas. Au niveau technique, on a repris les bases. Elles sont plus solides même si rien n’est acquis en escrime. Il faut toujours répéter pour que cela devienne un automatisme. 

Pensez vous avoir franchi un cap?

C’est difficile d’y répondre car il n’y a pas de compétitions.Je n’ai pas de points de comparaison.Je pense toutefois avoir passé un cap physique et mental. Il y aussi des erreurs que j’ai effacées.

Les Jeux Olympiques ont été reportés d’une année à 2021. Comment le vivez vous?

C’est un avantage car les entraînements et la préparation continuent. Plus on s’entraine, mieux c’est. Mon objectif principal est de me qualifier pour les JO.Il y a donc un an de plus pour les préparer. 

Avez vous les dates des prochains tournois?

Pour le moment tout est bloqué jusqu’au mois de janvier. Et encore rien n’est sûr. Les Championnats d’Afrique Seniors ont aussi été annulés. 

Est ce que cette incertitude vous perturbe?

Oui. C’est dur de faire un programme d’entrainements et de ne pas savoir quand auront lieu les prochaines échéances. 

Si demain il y avait une compétition, vous pensez être aujourd’hui prête?

Je pense que j’ai gardé au moins le même niveau.

Quand la compétition reprendra qu’est ce qui fera la différence pour aller chercher des titres?

Le fait de ne pas avoir perdu physiquement. Quand le physique lâche, c’est très difficile de revenir.

Que faudra-t-il que vous fassiez pour décrocher votre ticket pour les JO?

Gagner la compétition africaine qu’on appelle la Zonale et qui se déroulera au Caire. Il n’y a qu’un athlète par pays qui y participe.Il n’y a qu’un seul vainqueur toutes catégorie et discipline confondues (Sabre, Fleuret-Epée), qui représentera le continent à Tokyo.Cela se jouera donc sur ce seul tournoi.

Entretien réalisé par Nasser Mabrouk

En savoir plus sur Zohra Kehli : https://bit.ly/38oPFbJ