Nagette Aïnseba est professeure d’université à l’Institut d’Archéologie d’Alger. Elle a été pendant plusieurs années à la tête d l’Association Algérienne pour la Sauvegarde et la Promotion du Patrimoine Archéologique (AASPPA). Présente au salon Maghreb des Livres de Paris, elle a accepté de nous informer sur les activités de cette association.

Vous avez participé avec l’association AASPPA au salon du Maghreb des  Livres de Paris. Pouvez vous nous en dire davantage sur son objet social?

Nagette Aïnseba : L’Association Algérienne pour la Sauvegarde et la Promotion du Patrimoine Archéologique (AASPPA) a été créée en 1989 à la faveur de l’ouverture démocratique. Elle a été très active à ses débuts.Puis sont venues les années 90. Son président était par ailleurs un peu malade. L’association a un peu périclité. En 2005, avec quelques personnes nous l’avons reprise. J’ai été à sa tête pendant plusieurs années. Aujourd’hui, c’est Farida Benouis qui la préside.Nous avions envie de dire des choses par rapport à la question du patrimoine. On s’est levés notamment contre l’exploitation des très beaux sites comme Timgad. Ce patrimoine universel de l’humanité accueillait des manifestations qui n’étaient pas tout à fait adaptées et qui entrainaient des dégradations sur le site.Il y a eu ce cri du coeur. En réinvestissant l’AASPPA, nous avons un cadre pour faire de la sensibilisation de manière plus formelle. Nous éditons par ailleurs une revue qui s’appelle Ikosim. Nous l’avons créée en 2012 dans ce cadre associatif. Nous la faisons paraitre à raison d’un numéro par an.

Vous faites allusion aux concerts qui fleurissaient l’été sur les sites classés ?

Oui, ce sont des festivals qui étaient organisés par le Ministère de la Culture. Malheureusement, il n’y avait aucune sensibilisation du public pour respecter le site et faire un peu de rétrospective historique. Il y avait toutes sortes de gardiens mais personne pour dire aux foules de faire attention car elles étaient dans un endroit magique et unique.Il y avait également toute l’installation des camions qui passaient sur le cardo. C’était des piquets enfoncés dans les dalles pour la sono.C’était fait au mépris de la règlementation nationale et internationale qui protège ces lieux.

Qui fait partie de votre association?

A l’origine, elle a été créée par des professionnels.Entre temps, on l’a ouverte à tous ceux qui sont passionnés par l’histoire et la question du patrimoine. Il reste quelques professionnels car c’est un cadre destiné à la sensibilisation de la population. C’est une association nationale. Tout Algérien, ou pas, peut y adhérer. 

De quels moyens disposez vous pour la faire fonctionner?

Nos moyens sont très limités. Nous n’avons pas de siège social. Nous bénéficions d’une boite à lettres. Nous nous réunissons au restaurant ou chez les uns et chez les autres. C’est très convivial mais nous n’avons pas d’espace pour recevoir les adhérents. Nous ne bénéficions d’aucun financement si ce n’est les cotisations des adhérents.En revanche, pour le magazine Ikosim, qui est un travail bénévole, nous avons la société nationale Sonelgaz qui nous aide pour toute la partie impression.On leur est très reconnaissant. 

Vous parliez de la revue. Pouvez vous nous dire ce qu’on y trouve?

Nous avons appelé cette revue Ikosim du nom le plus ancien connu de la ville d’Alger, quand elle était un comptoir phénicien. Cela peut remonter jusqu’au 8è siècle avant Jésus Christ. On a retrouvé ce nom d’Ikosim sur des pièces de monnaies datant du 4è siècle avant JC, donc avant la présence romaine qui a latinisé le nom en Icosium. Pourquoi Ikosim? Car nous sommes des spécialistes qui vivons et travaillons à Alger. Nous l’avons imaginée, créée et finalement réalisée. C’était important pour nous de mettre en avant notre ville d’Alger mais pas de manière étroite. C’est la capitale de l’Algérie mais pas uniquement. Nous nous intéressons au patrimoine et à la recherche archéologique de l’ensemble du Maghreb voire de l’Afrique du Nord. Nous sommes intéressés par toutes les époques, de la préhistoire à la période coloniale. Nous faisons aussi se côtoyer dans cette revue des disciplines aussi différentes que l’histoire, l’archéologie, l’épigraphie, la muséologie, l’architecture. Tout ce qui tend à valoriser et protèger les sites et les monuments. Nous écrivons aussi notre histoire. 

Quelles sont les dernières découvertes en Algérie?

Il y a régulièrement des « petites » découvertes. La grosse découverte est celle qui a été faite à Ain Boucherit (wilaya de Sétif) par le Professeur Sehmouni. Elle renvoie, dans cette région de l’Algérie, la présence humaine à 2,4 millions d’années. On rejoint les dates anciennes en Afrique de l’Est ( 2,6 millions d’années) où se situe le berceau de l’humanité. 

Que nous enseignent ces découvertes?

C’est très important. On se rend compte que notre histoire a une profondeur que malheureusement nous ne ne soupçonnons pas. On n’investit pas du tout dans cette perspective historique. Elle a une importance qu’on va mettre en avant à l’étranger alors que ce n’est malheureusement pas connu chez nous.

Entretien réalisé par Nasser Mabrouk